Martinet

Hier soir, j’écoute à la radio la rediffusion des Grands entretiens d’Éliane Radigue avec François Bonnet. Quand ils parlent, je pose mon livre, et le reprends pendant les plages musicales. Je ne suis, faut-il le rappeler ? une puriste de rien.

(Éliane Radigue à l’œuvre. Je ne sais pas de qui  est la photo.)

Je finis de relire The First Person and Other Stories d’Ali Smith. Dans la nouvelle éponyme, j’apprends incidemment des choses sur le martinet noir, des choses qui ne m’avaient pas tant marquée lors de ma première lecture, il y a moins d’un an :

« You’re looking at the sky. I follow your gaze and see you’re watching the flight of the summer swifts; they’re just back from the south.
Is it them that are the birds that sleep on the wing? you say.
Yes, I say.
Wow, you say. And never land on the ground? And keep flying, and have to do their nests up high so they won’t touch the ground, and have to keep the momentum going?
Yes, I say.
Imagine, you say.  Like a song that never ended, like a constant ever-evolving music, like you’d just keep going with it, even when you’re asleep. »

La musique que le personnage décrit, a constant ever-evolving music, pourrait être une pièce d’Éliane Radigue, disons  L’Île Resonantel’une des rares œuvres musicales que je cite dans le manuscrit dont j’ai posé le point final ce soir (à savoir un roman de fantômes ayant pour cadre le quartier du Blosne, à Rennes).

(C’est la septième fois que je poste ce morceau ici , je sais.)

Je lis un article sur le martinet noir et apprends qu’il peut voler jusqu’à neuf mois sans se poser.

Ce matin, je cours au terril de Noyelles dès 6h30 dans l’espoir d’apercevoir un renard. Non. Mais des dizaines de lapins m’entourent et des lapereaux s’attardent près de moi ; je ne peux m’empêcher de penser qu’ils sont la proie des renards et j’essaie de ne pas pleurer.

Cependant, la brume s’attarde sur l’étang.

J’escalade le terril par des pentes convexes en constant éboulement, selon ma nouvelle habitude. Je n’aime pas les aménagements, la facilité ; en toutes choses, je préfère le hors-piste – puis j’ai les mains noires, les bras et les jambes déchirés par les ronces. De là-haut, on voit le paysage lentement émerger de la brume. Le château d’eau de Fouquières, la masse boisée de son terril, le château d’eau de Montigny-en-Gohelle, le terril Sainte-Henriette d’Hénin-Beaumont.

Je me tiens au bord du précipice dans le silence bruissant du matin et, plus je zoome, plus le paysage révèle de strates – on dirait une peinture.

Je traverse le plateau pour me tenir sur le bord opposé afin de faire la photo ci-dessous, quand j’entends des sifflements autour de moi et sens des corps filer à quelques centimètres de ma peau. Un véritable raid aérien. Ils sont nombreux et je ne suis rien de plus qu’un arbre à leurs yeux, je le sens. Je ris toute seule, comme si on me chatouillait la plante des pieds.

Ils sont si rapides que j’ai du mal à éviter les flous ; parmi une vingtaine de photos ratées, je trouve ceci – pas trop mal.

Mon premier martinet noir (≠ hirondelle).