Rectangles (2)

combien de fois j’ai été Ana Torrent dans Cria Cuervos, quand elle regarde tourner le 45 tours de Porque te vas comme on se construit une cabane

chaque fois que j’ai traversé une période vraiment très difficile, de celles dont on a l’impression qu’on ne se relèvera pas, j’ai construit un petit enclos mélodique autour de moi pour me protéger ; le plus souvent, et je doute que ce soit une coïncidence, il s’agit de musiques très éloignées de celles qui ont habituellement toute mon attention – pour m’accueillir, cet enclos doit être vierge de toute connotation ou réminiscence

Santigold (ci-dessus dans la vidéo de Banshee), contre toutes prévisions esthétiques, a rejoint les rangs de mes héroïnes en 2017 ; en 2018, c’était Anna Meredith (je pourrais en citer d’autres) ; je n’aime pas tout ce qu’elles font avec la même conviction mais je conserverai toujours avec leur univers sonore un lien particulier, presque amical : elles m’ont sauvé la vie (elles, et mes vraies amies, bien sûr)

je ressasse aussi les lieux ; cette fois, c’est sur le chemin ci-dessous que, chaque jour (plusieurs fois par jour quand nécessaire), je retrouve toute l’amplitude de ma respiration et un rythme cardiaque à peu près conventionnel (la photo n’est pas du mois mais, symboliquement, la lumière est la bonne)

et les chansons que je ressasse comme des Porque te vas sont de Tamara Lindeman, aka The Weather Station, et de Cate Le Bon, des artistes que je n’écoutais pas auparavant et que je verrai désormais toujours comme des bienfaitrices ; voici trois de leurs chansons, de celles qui m’enveloppent

parfois, je danse en courant dans les premières lueurs de l’aube sur le morceau suivant, Wear, je chante en chœur les paroles quand les cuivres se font entêtants et que les cordes se déploient et, pendant quelques secondes, je ne me sens pas seule au monde – alors je peux me lover dans mon enclos et laisser le temps me réparer, I still reach out to hold

Wear, Tamara Lindeman, extraits

« I tried to wear the world like some kinda jacket
(…)
Why can’t I be the body graceful in the cloth of it?
Why can’t you want me for the way I cannot handle it?
Am I ever understood?
Am I hidden by this hood?

I tried to wear each word that you had ever said to me
Even as careless as it turns out you have been with me
I still reach out to hold everything that I’m told
I still reach out to hold
To touch until we fold
I still reach out to hold »