NPR 14 du monde libre

Sur mon chemin, mon enclos filiforme, la loi ne s’applique pas. La nuit, des fêtes effrayantes y ont lieu, dont on découvre les traces le lendemain. Très tôt le matin, quand je suis la seule humaine sur son bitume craqué par les racines (au point que je peux, alléluia, y courir sans masque), des petits mammifères et des oiseaux y bondissent, grignotent et pépient gaiement (ce matin, les coqs des alentours étaient très en forme, leurs chants se relayaient toutes les 3 à 5 secondes et m’ont suivie pendant trois kilomètres sans discontinuer). Le jour, je suis strictement la seule personne à y porter le masque. Si j’en crois la longévité des objets brûlés et arbres abattus par la tempête, je dirais que des employés municipaux y passent une fois par mois pour voir ce qui s’y passe.

Ce midi, j’ai collé le NPR ci-dessus (l’air était trop humide pour le scotch ce matin) en remplacement du grand chien blanc puis je suis remontée sur mon vélo et 50 mètres plus loin, j’ai croisé un joggeur force jaune si fluorescent que j’en conserve encore le phosphène.

Je sais, je ne vais pas pouvoir passer le reste de mes jours à renouveler des NPR sur ce chemin. Permettez que je me remette de la violence que j’ai subie et qui a éclaboussé chaque site que j’aime dans un rayon supérieur à celui dans lequel je suis actuellement autorisée à circuler – ce type de violence si retorse que l’on est constamment obligé de se dire, Non, quelqu’un qui a voulu te briser ne peut pas te manquer, tu te trompes. Je n’ai encore désinfecté qu’un périmètre minime, en l’investissant d’autre chose, en raclant, grattant, ponçant ma mémoire. La plupart des lieux me donnent encore l’impression de tomber dans un puits. Je les reconquerrai.