NPR 35 / 27A du SUV

Je suis touchée par le succès public qu’a rencontré mon NPR 27 du merveilleux moment, qui comportait effectivement tous les ingrédients d’un mauvais thriller sentimental à la Liaison fatale. Ou presque : un mauvais thriller se doit d’enchaîner dans ses dernières longueurs les rebondissements, dei ex machina et revirements. Voici donc une suite au NPR 27, qui se terminait sur l’image d’elle s’en allant « pour toujours » tandis que la narratrice est par terre, gémissante, les mains sur son flanc meurtri. Afin de respecter les unités de temps, de lieu et d’action, je suis retournée au même endroit. Je me suis assise sur le même tronc d’arbre dans le même short que l’usure, au fil des années, a transformé en jupette (je n’en ai que deux, la vie est rude pour les biens matériels des décroissants), un berger allemand aboyait dans le jardin le plus proche, à une cinquantaine de mètres mais je n’avais pas peur et le lever de soleil a fini par m’éblouir au point que je ne voyais plus le regard du chien orienté vers moi. Enfin, quelqu’un l’a fait rentrer, c’était encore mieux. J’ai écouté la fin de Her Hippo, la chanson de Dry Cleaning dans laquelle ce phénomène de Florence Shaw dit « I’d like to run away with you on a plane but don’t bring those loafers », comme toujours ça m’a fait éclater de rire et ensuite j’ai arrêté la musique pour savourer le récital des multiples coqs tous azimuts et j’ai punaisé mon NPR sur le dossier même de mon siège.

Je n’ai pas mis SUV en majuscules parce que je ne sais pas les faire en écriture cursive mais aussi parce que je rumine un petit NPR au sujet des majuscules depuis que j’ai lu un article sur le terril d’Haillicourt paru dans un journal départemental et qui disait : « nous imaginons les chevreuils qui avaient investi ses pentes lors du confinement du printemps dernier, leur offrant, en l’absence de l’Homme, un plein sentiment de sécurité ». J’en ai tachycardé. L’Homme, bordel : so 18ème siècle.

J’avais formulé le texte de ce NPR dans ma tête pendant les premiers kilomètres de ma course à pied ; ma plus grande hésitation portait sur la partie de mon corps que menaçaient les pneus : chevilles, genoux, hanches ? Le mot dépouille aurait été trop trash pour l’espace public, je me soucie des jeunes enfants qui viennent d’apprendre à lire. J’ai donc choisi la cheville et j’ai découvert en rentrant chez moi que, par coïncidence, j’avais une cheville lacérée car figurez-vous que la ville d’Avion m’a encore révélé ce matin l’un de ses fascinants arrière-mondes – vaste, flippant et coupant : ronces, orties et arbres qui poussent en toute sauvagerie. Merveille !