Deux mois

Il y a deux mois aujourd’hui que Dame Sam m’a quittée. J’ai (encore) ajouté des fleurs au petit parterre que je constitue pour elle au fond de notre jardin. J’ai retrouvé les photos que j’ai prises, ce jour-là, quelques heures avant sa disparition. Les voici. Ce sont les dernières choses que j’ai vues en courant avant de la retrouver, de la soulever dans mes bras, de coller ma bouche à son petit ventre si doux et de souffler pour partager avec elle la chaleur glanée en chemin. Bêtement, j’ai toujours imaginé ce que ça devait faire, cette flaque de chaleur cutanée, au point que la sensation me semble familière alors même que personne n’a jamais fait ça pour moi, non, personne n’a jamais soufflé sur mon ventre pour me réchauffer.

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Avant que l’idée me vienne de chercher ces photos, à l’instant, je ne me rappelais pas que j’étais allée à Noyelles, ce matin-là. Je me rappelle en revanche quel pull je portais puisqu’ensuite, je n’ai pas réussi à en porter d’autre pendant un mois, à part les jours de lavage.

Deux mois ont passé sans que personne saute ou dorme sur mes genoux quand j’écris, sur mon ventre quand je dors, deux mois les bras vides et sans que mes lèvres aient touché autre chose que de la nourriture et des masques (pas tant que ça, je suis passée au FFP2). Mon cerveau fonctionne de nouveau pas trop mal mais maintenant c’est mon système nerveux qui est détraqué.

Depuis des jours, mes membres sont contractés comme si j’étais restée bloquée en faisant du rameur ; par exemple, je suis assise à mon bureau et je me rends compte que seul mon coccyx est en contact avec la chaise, le reste est en suspens, ou alors je lis dans mon lit et je me rends compte que j’ai mal aux abdos – le rameur. Je m’oblige à me détendre, me concentre jusqu’à sentir mes membres en contact avec des surfaces, mais quelques minutes plus tard, je suis de nouveau en équilibre sur un os, racornie comme une araignée morte.

J’ai continuellement la sensation d’une pluie fine et froide sur le dos des mains – je continue de les essuyer sur mes vêtements, de temps en temps, par réflexe.

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Cette nuit, un vacarme m’a réveillée ; il venait de l’intérieur de ma tête. C’était mon acouphène aigu (j’en ai deux autres), le sifflement continu comme un fil tendu entre mes deux oreilles depuis sept ans, sans interruption ; son volume a soudain décuplé, comme ça, au beau milieu de la nuit.

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Depuis, j’ai l’impression d’avoir la tête dans un réacteur d’avion. Vous avez des sujets d’anxiété, en ce moment ? m’a demandé le médecin consulté en urgence cet après-midi. Ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah !