Valentina

L’été 2019, j’étais au festival Wysing Polyphonic à Cambridge, un festival confidentiel dédié aux musiques audacieuses, voire expérimentales. J’y ai vu une douzaine de concerts en une journée. Je n’attendais pas grand chose de Lafawndah, qui n’avait pas encore sorti son merveilleux EP The Fifth Season. Pendant tout le set, j’ai été hypnotisée par le jeu de la batteuse / percussionniste, au point que je lui ai demandé, à la fin, si elle jouait dans d’autres formations. Elle a cité Tomaga et elle aurait pu mentionner bien d’autres groupes et collaborations mais je me suis exclamée que, ça alors, j’avais un de ses disques, et que nous avions une connaissance commune, un disquaire de Lille. « Marc, oui » a-t-elle souri. C’est ainsi que, quelques minutes dans ma vie, j’ai rencontré l’incroyable Valentina Magaletti. Elle est aujourd’hui, avec la tout aussi prolifique Claire Rousay, l’une des batteuses dont je suis l’actualité avec le plus d’attention.

(Ici, photographiée par Estelle Chaigne avec la batterie fragile de l’artiste Yves Chaudouët – FRAC de Bordeaux)

Un an après leur performance à Cambridge, Lafawndah sortait The Fifth Season et Valentina Magaletti figurait parmi ses musiciens – ce qui n’était pas le cas sur ses précédents enregistrements.

Ci-dessous, Valentina Magaletti solo, sonnant comme un petit orchestre. C’est sur son génial album A Queer Anthology of Drums, paru l’année dernière.

La voici au sein de son duo CZN (Copper Zinc and Nickel) avec le batteur João Pais Filipe, dans un morceau irrésistible.

Une autre de ses collaborations que je trouve passionnante, avec Marlene Ribeiro (du collectif Gnod).

Cet été, elle a sorti avec le groupe Moin l’album Moot! qui louche vers le punk (pour le dire grossièrement) et dont voici un titre.

On la découvre ici dans un registre tout à fait différent avec un autre de ses groupes, Vanishing Twin (nouveau LP en octobre).

Tomaga était son duo avec Tom Relleen. Le 23 août 2020, le musicien est mort, à 42 ans, des suites d’un cancer. L’apprenant, j’ai pensé à Valentina. J’ai pensé à Marc, le disquaire de Lille, je me suis rappelé quelque chose qu’il m’avait dit un jour : il n’avait jamais pu écouter le dernier album de Bowie parce que Bowie l’avait enregistré en sachant qu’il allait bientôt mourir. J’ai imaginé qu’il lui serait encore plus difficile d’écouter le dernier disque, enregistré dans les mêmes conditions, d’un musicien avec lequel il avait un lien affectif. J’ai, quant à moi, beaucoup écouté ce dernier album, Intimate Immensity, paru en mars de cette année. Or, un soir de cet été, le morceau éponyme m’a fait un effet inattendu ; une émotion indicible m’a submergée au point que j’ai éprouvé un vertige physique, comme si la musique m’ouvrait littéralement une fenêtre sur l’inifini de ce qui suivra la vie. L’ultime piste de Tomaga m’a plongée dans cette immensité intime que l’on pourrait penser impossible à communiquer. La voici.

(Tomaga par Agathe Max.)

On peut trouver ici l’impressionnante discographie de Valentina Magaletti.