Il y a deux semaines, j’ai écrit un texte court à quatre mains avec une autrice et journaliste spécialisée (entre autres) dans le textile ; il paraîtra bientôt, je vous dirai où, quand, pourquoi et je vous expliquerai comment nous avons procédé pour l’écrire. C’était une expérience très agréable, d’autant que cette autrice est aussi réactive et enthousiaste que moi. Voici un extrait d’un de mes paragraphes :
« Je compile 47 heures de musique, une fraction de ma bande originale, je l’écoute en transe, ne mange ni ne dors, je regarde défiler ma partition raturée, cacophonique graphic score, et je convulse – I can see my lifetime piling up, dit l’une des chansons, c’est bien ce dont il s’agit, et je gis et je convulse. Ce faisant, j’espère faire place nette en moi mais c’est l’inverse qui se produit : j’obtiens un précipité de mon être. Ça me réunit, comme une peau. Ça me resserre la trame, ça me retend les tissus. »

Ma playlist s’appelle Rewind et réunit des musiques qui m’ont accompagnée de mes 13 ans à ce jour. Elle est toujours en construction, je ne cesse d’ajouter, de retrancher, d’ajuster. J’ai dû exclure un certain nombre de musiques expérimentales (de durée parfois très longue) car, pour des questions d’efficacité psychique, les morceaux ne doivent excéder 17′. Parfois, une chanson que je choisis n’est pas la meilleure de l’artiste, pas même ma préférée, mais elle est celle qui tire sur un fil et me retend. Je le sens très vite, parfois je suis surprise.

Je n’écoute ma playlist qu’en mouvement (chez moi je me consacre toujours à mes créatrices sonores, Faten Kanaan étant ma grande favorite du moment). Dès que je cours, pédale ou prends le train, je m’y replonge. Je l’écoute en mode aléatoire, une chanson que je ressassais à 17 ans succède à un morceau que j’écoutais à 31, suivie par un titre découvert cette année seulement mais qui s’est déjà inscrit dans mon ADN émotif. De ce télescopage naît curieusement une impression d’unité, comme si le PPDC des genres musicaux inconciliables qui s’y heurtent me révélait mon essence même, ce qui reste inchangé au fil des années, des épreuves et des rencontres.

Il m’a semblé approprié d’illustrer ce billet par une série d’autoportraits réalisés de 1995 à ce matin*. Je ne dessine plus depuis bien longtemps, alors ce matin, c’est une photo.

* 3 dancing chickens est aussi un autoportrait, de l’époque (2005-2007) où je me faisais appeler ainsi en référence au dancing chicken de Stroszek (Herzog, 1977).