Nue

Il y a deux semaines, j’ai commencé un nouveau manuscrit. Il s’agit d’un roman, celui dont le synopsis m’a permis d’obtenir une résidence à Regnéville-sur-Mer en 2022 et dont le titre de travail est Nue. Je vis une drôle d’expérience avec lui. Bien que j’écrive seule, cette fois, j’ai la sensation d’être accompagnée comme jamais je ne l’avais été hors quatre-mains :

1. pour m’imprégner de l’univers qui va m’occuper pendant quelques mois, je vais observer la créatrice sonore Aude Rabillon au travail, à Nantes, avant d’aborder la résidence ;

2. mes interlocutrices de la Manche et moi établissons mon emploi du temps autour des thématiques de ce texte et me préparons notamment des rencontres avec d’autres artistes encore. Mes échanges constants avec Claire et Cindy sont des vitamines ;

3. cet après-midi, j’ai lu les dix premières pages de Nue à une classe de prépa au lycée Châtelet, à Douai, ensuite de quoi les étudiants m’ont livré leurs impressions. Je remercie encore ces généreux jeunes gens, dont j’ai apprécié la curiosité, la pertinence et la réactivité. Merci aussi à M. Martinet, leur professeur, de m’avoir permis cette expérience – ainsi que pour son accueil enthousiaste. Et puis c’était curieux d’être au tableau pour parler devant mon ancienne prof d’allemand du collège, venue m’écouter : une touchante surprise.

*

Les premières pages de Nue sont imprégnées de ce genre de musiques – qui, je le précise, s’écoutent au casque et / ou à fort volume, principalement la première, la troisième et la cinquième :

Anne Guthrie, Branching Low and Spreading

(Par coïncidence, l’un de mes nouveaux colocs est un codiaeum variegatum – plante qui donne son titre et sa pochette à l’album dont est tiré le morceau ; son nom vernaculaire est le croton mais on fera semblant de ne pas le savoir, même si codiaeum variegatum est si difficile à prononcer.)

Faten Kanaan, Hesperides

(Le morceau que je me suis passé en boucle pour écrire un passage onirique lu tout à l’heure.)

Il arrive que j’aie une représentation physique de mes personnages et, bien souvent, j’ai l’image de musiciennes. La figure centrale de mon texte en cours (qui n’est pas la narratrice) doit en grande partie ses attitudes et ses traits à une photo de Faten Kanaan par Lola Serrano, ci-dessous. Sauf que mon personnage n’aurait pas un végétal mort entre les mains.

Félicia Atkinson, Lighter Than Aluminium

(Je vous ai déjà passé ce morceau dans mon acte 2, je l’écoutais en regardant le soleil se lever sur les champs, au sud de Lille, les lièvres bondissaient autour de moi tandis que Félicia chuchotait des coyotes. La créatrice sonore de mon roman a ce type d’approche de la musique.)

Christine Ott, Burning

(J’ai aussi écouté ce titre pour écrire ma scène onirique, en soutien à Faten Kanaan. Ce morceau, je crois qu’il me ferait pleurer à gros sanglots le jour le plus joyeux du monde. C’est des ondes Martenot, si vous vous posez la question.)

Bérangère Maximin, L’échappée

Ma créatrice sonore aurait aussi pu faire ce genre de musique mais j’ai décidé qu’elle aurait une approche plus mélodique de la composition tout en utilisant des field recordings (plutôt comme Félicia Atkinson) et qu’elle serait multi-instrumentiste mais que son premier amour serait le cor (comme Anne Guthrie).