ce matin le soleil se lève particulièrement sanguin et, vu depuis le sommet de 94 qui apparaît ici en arrière-plan, c’est un

soleil liquide

les fumées industrielles, les traînées de condensation tracées par les avions et les nuages dessinent sur l’aube des motifs complexes et dans le lointain les éoliennes tournent stoïques

je m’aperçois que je souris de nouveau tandis que le froid mordille mes doigts, mes oreilles et mes mollets

au sol déjà le lever du jour est entériné par le givre

les flaques se craquellent, sans doute vient-on de passer le seuil de 0°C

et l’étang du Brochet reflète les fêtes d’oiseaux

alors cette phrase me vient spontanément : avec ou sans love, la vie vaut, et elle m’amuse beaucoup
Avant-hier à Regnéville-sur-Mer, il était 6h30, je prenais mon petit-déjeuner dans ma chambre douillette et j’ai décidé d’écouter le dernier album de Big Thief, paru hier et dont le titre est Dragon New Warm Mountain I Believe In You ; je n’avais jamais vraiment accroché à la musique d’Adrianne Lenker, ni solo ni avec son groupe, mais en matière de musique ma curiosité n’a guère de limites et j’écoute la plupart des nouveautés dans les quelques domaines qui m’intéressent, y compris celles des artistes dont les précédentes productions ne m’ont pas convaincue. Donc Big Thief. Il n’y avait encore en ligne que huit titres de l’album (sur vingt, le groupe est généreux et très prolifique), j’étais agréablement surprise par ce que j’entendais, des échos cajuns ici, là une réminiscence de Fleetwood Mac période Stevie Nicks, et soudain, j’ai pleuré d’émotion. C’était Sparrow, que vous pouvez entendre ci-dessous.
Dans un autre morceau, Blurred View, Adrianne Lenker chante
I am the water rise, the waterfall
Filling up your eyes and when you give the call
I run for you, run for you, run for you
Je pense que je vais user cet album. Adrianne Lenker a une fan de plus, comme si elle avait besoin de ça…
Hier soir, il y a eu cette circonstance incroyable. (Apophénie encore ?) Récemment, sur le conseil de Wendy Delorme, en vue d’assurer un peu la promo de notre roman à quatre mains à paraître prochainement, je me suis inscrite sur Instagram. Je déteste ce truc mais je joue le jeu – un peu. Le caractère factice des liens que j’observe me répugne mais c’est aussi un moyen de suivre l’actualité de quelques créatrices sonores dont j’aime le travail et je me suis donc abonnée à une centaine de celles que j’ai recensées. Trois d’entre elles se sont abonnées à mon compte en retour, dont deux avec qui je n’ai jamais été en contact. Dont une qui se trouve être, par une coïncidence complètement dingue, l’un des modèles du personnage au centre de mon manuscrit en cours, Nue, comme je l’expliquais ici bien avant qu’elle ne clique sur mon humble personne. Et hier soir, sur ce réseau à la con, depuis New York City, elle a mis un petit cœur sous ma photo de David Lynch à Regnéville-sur-Mer, ce que voyant j’ai fait trois fois le tour de mon bureau en secouant les mains et j’avais onze ans. Son nouveau single, paru la semaine dernière, est sublime comme quasiment tout ce qu’elle compose et me laisse espérer un nouvel album prochainement (j’ai usé les précédents).
Et en attendant, il y a aussi Pompeii, le nouvel album de la surprenante Cate Le Bon ; depuis Reward, elle a trouvé sa voix, paroles absconses mais évocatrices, arrangements faux kitsch très efficaces et mélodies aux sinuosités imprévisibles (caractéristiques que partagent par exemple, quoique dans des styles très différents, Erin Birgy aka Mega Bog ou Jenny Hval – à propos de Jenny, Classic Objects paraît bientôt, les deux premiers titres déjà disponibles promettent de nouvelles explorations passionnantes, cette fois avec des percussions assez incongrues mais qui en fait passent très bien).
Oh oui, la vie vaut.