L’une des choses les plus stupides que j’aie lues récemment au sujet de la nature est qu’elle serait « intelligente et aimante ». La personne qui a écrit ça devait rentrer du square. J’ai déjà pas mal lacéré cette idée dans Nue mais ce matin, la simple vision d’un pot de sauce tomate en cours d’ensevelissement dans le schiste du terril 94 (qui est un volumineux artefact de plus en plus verdoyant au fil des ans et peuplé d’espèces moins destructrices que la nôtre) m’a ramenée à cette idée ; j’ai pensé au frère de mon Antique, qui commentait la crise sanitaire et les catastrophes climatiques en ces mots très simples et très justes : « Cette planète ne veut plus de nous ». Et certes la nature est intelligente, c’est pourquoi elle ne nous aime pas et c’est pourquoi elle est en train de nous éradiquer – oh lentement, la nature n’est pas pressée, elle ne vit pas sur la même échelle de temps que nous, mais elle va nous dégager tout ce merdier, à sa manière patiente et implacable : au compost les selfies, les bulletins de notes et les bois de cerfs en déco de cabane. La nature va nous avaler comme le schiste avale le pot de sauce tomate puis elle va prendre un peu de charbon pour mieux nous digérer. En attendant, gloire à nous, cliquons sur des like, accrochons nos masques chirurgicaux dans les arbres (c’est amusant), prenons la voiture pour aller chercher le pain et sentons-nous supérieurs à toutes les formes moins évoluées du vivant. (Les photos qui suivent ont été prises ce matin sur le 94, dans un laps de temps de quelques minutes.)










Tout ça, c’est ce qui arrive fatalement quand on aménage des lieux plus ou moins naturels à l’usage des humains : le lieu était magnifique, lunaire, infréquenté, mais un gros malin a voulu se faire bien voir et a planté des escaliers, des toboggans et des parcours de fitness partout, ensuite de quoi, plutôt que d’assumer, de prendre son petit sac et d’aller ramasser la merde de ses électeurs, il laisse la poubelle à ciel ouvert se garnir de semaine en semaine de nouveaux emballages colorés. Puisque j’en viens à la politique (et pour faire nombre premier), voici une photo bonus prise à Sallaumines au retour de 94. J’ai ri de la désinvolture avec laquelle la tempête a plié la rhétorique des aspirants potentats.
