je n’ai pas réussi à me lever plus tôt, ce matin ; depuis que j’ai eu le covid, mon sommeil ressemble à une chaussure sur laquelle un jeune pitbull aurait fait ses dents – et encore, j’ai retrouvé toute ma capacité respiratoire et toute mon endurance, longtemps j’ai pensé que cette saloperie m’avait définitivement volé mon super pouvoir ; cependant, si j’ai récupéré ce qui me revient, cette capacité à courir sans fin que je travaille depuis dix ans sans qu’une protéine animale ait transité dans mon corps, je ne vois plus le soleil se lever tous les jours, pas encore

l’ennui, c’est surtout ce que je vois, en chemin vers la nature, quand je cours après le lever du soleil – pas beaucoup de monde, non, mais bien assez ; ce matin, par exemple, un camion municipal s’arrête devant un bac à fleurs municipal, un monsieur fluo en descend et arrose abondamment les fleurs municipales cependant que le camion grommelle, moteur allumé dans le petit matin silencieux, de sorte que les fleurs municipales semblent exhaler un parfum de caoutchouc brûlé ; un monsieur n°2 allume une cigarette sur le trottoir, or il vient manifestement de s’asperger d’after-shave, une chance qu’il ne prenne pas feu – moi ça va, je cours en apnée, je ne vomis pas ; plus loin, un monsieur n°3 approche d’un étang avec un sac plastique plein de pain sec, les épaules en arrière et la poitrine en avant, il est fier quand à ses pieds princiers se pressent les oiseaux d’eau, il leur lance le pain par pleines poignées mais je ne vais pas lui expliquer que le pain gonfle dans leur ventre et leur donne une fallacieuse sensation de satiété sans qu’ils aient absorbé les nutriments nécessaires à leur santé, je ne vais pas lui dire que sa magnanimité les tue à petit feu parce que la dernière fois que j’ai récité ma petite leçon animalière, à Londres, la dame a répondu « On sait » tandis que sa gamine continuait de jeter des croûtes de pizza dans le canal pour une assemblée de cygnes et de canards (je ne les ai pas poussées à l’eau, je crois que Valentina et Yoshino ont eu un peu peur que je ne déraille)

quant aux deux renards que j’ai vus dans mon spot secret d’Harnes, ils ont filé ventre à terre quand je suis apparue dans leur champ de vision et je préfère ne pas savoir ce qu’ils étaient en train d’ourdir dans cette friche hautement lapineuse
