23/07, 47 km, 17 images

15 km de course à pied + 25 km de vélo + 7 km de marche (avec pentes abruptes de schiste glissant) = 47 km d’émotions contrastées aujourd’hui. D’abord, un peu de tristesse en courant, pour cause de canards (billet à venir), puis une étrange absence de peur alors que tout était là pour mon divertissement comme un grand train fantôme solitaire à ciel ouvert.

Cet après-midi, je veux retourner sur l’un de mes terrils préférés, qui est aussi l’un des plus inquiétants que je connaisse (je ne nie pas qu’il y ait un lien de cause à effet mais je l’aime aussi pour la beauté sauvage de sa nature et pour l’abondance de ses mûres – j’en cueillerai d’ailleurs un plein Tupperware puisque je suis venue avec un Tupperware, oui, je suis une aventurière prévoyante et gourmande). En route, à Fouquières, une silhouette m’attend comme un panneau de danger mais je suis habitée depuis des jours par la nécessité de ce que je m’apprête à faire, je vais le faire.

J’entre dans le site inquiétant (mais lequel est-ce ? le devinerez-vous ?) par un trou plutôt que par l’une des entrées officielles, comme toujours, et comme toujours je grimpe jusqu’à l’un des sommets – invisible de l’extérieur car noyé de verdure) et là-haut, je contemple cette vue comme un progamme de la marche à venir, de haut en bas en haut en bas :

Puis logiquement je descends tout au fond du fond, là où une rivière à sec creuse une ride profonde et où le jour ne pénètre jamais tout à fait.

Au fond de la rivière, du caoutchouc – des pneus

mais aussi une botte, dont on ne sait ce qui la prolonge sous terre.

Ce terril est veiné de sentiers plus ou moins accessibles selon les topographies, les saisons et les aléas de type arbre abattu par la tempête mais aussi autel à un défunt ou cabanes avec toit en bâche bleue. Les sentiers sont des couloirs mangés par la verdure, des boyaux verts enflés d’ombre et bien souvent tapissés de ronces – d’où l’abondance de mûres, oui.

On n’y entend que les chants des oiseaux, les protestations des faisans et de temps à autre le passage d’un train à proximité (ces légendes grouillent d’indices). Je gagne ensuite le plateau supérieur ; voici à quoi ressemblait son vestibule en 2020 (et, pour autant que je m’en souvienne, l’année dernière aussi) :

Aujourd’hui, les graminées me dépassent en hauteur.

Ce n’est pas flagrant sur cette photo ? Alors disons que cette voiture brûlée fera office d’échelle.

Ok ? Plus loin, ça va mieux, on retrouve un sentier moins coupant, même si la végétation y dresse aussi quelque chose comme des cloisons, de belles cloisons fleuries, multicolores.

Parfois, la vue se dégage. Ces graminées-là m’arrivent à peu près aux hanches.

Ici, on oublie le plus souvent que l’on se trouve sur un terril. Et parfois, on s’en souvient.

On entend les animaux filer dans un bruissement de tiges et de feuillages et pourquoi pas des sangliers mais je n’ai pas peur, mon pouls ne se précipite pas, je ne comprends pas pourquoi. Je ne suis même pas plongée dans mes pensées (bien qu’entre la course et le vélo, j’aie passé des heures plongée dans le montage d’un nouveau roman), je suis pleinement présente à ce que je traverse et dont les atmosphères à leur tour me traversent. Finalement, le seul individu que je croise cet après-midi n’est pas très sauvage.

Un chaton des bois, pour reprendre l’expression par laquelle j’appelais autrefois mon regretté Joe (c’était dans une chanson que j’avais écrite pour lui et que je lui chantais presque tous les jours, alors il fermait lentement les yeux ou mordillait mon nez ou les deux). Il y a aussi des dizaines d’oiseau qui tournent en cercles irréguliers au-dessus du champ voisin.

Mais finalement il ne m’arrive rien et je rentre sans même une crevaison. Cette dernière photo a été prise alors que je me dirigeais vers mon vélo, accroché à l’orée d’une véloroute.

Alors ? Vous devinez de quel terril je viens ? En jeu, un Tupperware un peu entamé de mûres sauvages.