Hier, lors de la deuxième partie de mes (26+41) km du jour, j’ai pris un certain nombre de photos, comme je le fais presque toujours, ensuite de quoi je les ai triées, puis j’ai fait la sélection que voici et je me suis rendu compte que les images avaient toutes un point commun – sauf une.
Je suis partie de chez mon papy à Chocques. Il a 95 ans et a cessé de conduire il y a deux mois, ce qui représente à la fois un changement dans la logistique familiale mais aussi un symbole fort qui a teinté ma promenade de mélancolie. Un jour, on sait qu’on ne verra plus jamais la maison de ses proches, qu’on ne traversera plus jamais les paysages de toute une vie. Une rencontre que j’ai faite en cours de chemin n’a rien fait pour me détacher de ces pensées.
Il y a des choses bizarres à Béthune, où je suis née. Il y a une zone commerciale qui est aussi une ZI, près du canal d’Aire ; ce mélange à lui seul serait étonnant mais au beau milieu de ces hangars géants, il y a un bar à tatouages (si j’ai bien compris le concept) et là, des dizaines, sinon des centaines de bikers et affilié.e.s sont attablés dans une ambiance festive et un décor semi rétro semi industriel. Mais je n’ai pas pris de photos parce que des centaines de personnes seraient venues, à raison, me brandir leur droit à l’image sous le nez. Un peu plus loin, ce vélo géant m’a fait sourire parce qu’il est exposé sur un rond-point qui est aussi, ordinairement, une véritable machine à broyer les cyclistes. Mais hier, un dimanche soir d’août, on pouvait y survivre.

Puis j’ai été en sécurité au bord du canal, une fois descendue sous ce pont d’Essars.

Le pont vu d’en-dessous – on ne le devine pas mais il est très haut, ces tuyaux noirs fort appréciés des pigeons sont énormes.

Après Cuinchy, j’ai plongé dans les champs, d’Auchy-les-Mines à Vermelles – cinq kilomètres de cavaliers quasi déserts. Parmi les rares personnes que j’ai croisées, une dame m’a abordée alors que je prenais la photo ci-dessous. Elle devait avoir beaucoup marché parce qu’il n’y avait pas d’habitations dans les alentours immédiats. Nous avons parlé de nos paysages, des bienfaits de la campagne et du mouvement. Ça fait du bien de marcher, m’a-t-elle dit – enfin, vous, vous êtes jeune, vous pouvez faire du vélo. J’ai acquiescé, dit que j’en profitais. Vous avez raison, il faut en profiter, elle a dit puis je l’ai regardée s’éloigner seule dans ses vêtements qui me rappelaient ceux de ma grand-mère, les mains vides, sans même un sac. Je m’inquiète souvent que les autres se sentent seuls – bien que j’apprécie moi-même beaucoup la solitude, je sais que quand on la subit (j’ai vécu ça pendant l’un des confinements), elle peut être le lieu le plus triste du monde. La dame est-elle veuve ? Ses copines n’aiment-elles pas marcher ? Ou n’en ont-elles plus la force ? La dame préfère-t-elle les chats aux chiens ? (Si j’ai ces pensées, est-ce aussi parce que ma meilleure amie se trouve à cette heure précise à l’enterrement de sa grand-mère ?)

Le terril ci-dessous est celui que la grand-mère d’une autre de mes amies a vu toute sa vie ; elle vivait juste à côté, à Vermelles. Ici, vu depuis l’usine AZF de Mazingarbe.

Ci-dessous, toujours à Mazingarbe – à quelques centaines de mètres du sous-marin verdoyant de Grenay que l’on devine en arrière-plan -, ce passage à niveau pédagogique : « L’approche d’un train est annoncée par l’allumage des feux rouges clignotants et le tintement des sonneries », nous apprend ce panneau. Merci, je me suis toujours demandé à quoi servaient ces signaux. Il ne me reste plus qu’à découvrir la fonction des barrières blanches à pointillés rouges.

Et le voici, l’un des plus beaux et des plus étranges terrils des environs, le 58.

Alors, quel est l’intrus ?