Rétention de caneton(s)

Parfois c’est plus parlant pour les spécistes quand on transpose, alors imaginons. Vous sortez de l’épicerie (une épicerie à l’ancienne, dans une maison) et vous voyez, à travers le soupirail, que sept enfants en bas âge (ils ne marchent pas encore) sont enfermés dans la cave, une cave immonde dans laquelle ils n’ont rien à manger. Vous en parlez à l’épicerie mais l’épicier vous dit que la cave ne lui appartient pas et ricane : « Vous vous inquiétez pour les gamins ? Mais vous savez, s’ils voulaient sortir, ils le feraient. » Vous appelez les pompiers, la mairie, les services de protection de l’enfance, mais chacun vous répond que le sort des enfants n’est pas de son ressort et que de toute façon, s’ils voulaient sortir, ils le feraient ; vous abandonnez toute argumentation face à l’absurdité des réponses qui vous sont faites parce que vous êtes de nature sanguine et que vous risqueriez de finir en prison si vous exprimiez exactement ce que vous ressentez à l’égard des individus dont vous espériez un quelconque secours. Les gens qui vont acheter des morceaux de cadavre dans des barquettes en polystyrène à l’épicerie s’arrêtent pour regarder ce que vous regardez mais ils ne voient rien. Rien de gênant. Faute de mieux, vous nourrissez les pauvres petits à travers les barreaux du soupirail mais bientôt ils commencent à mourir, inexorablement, l’un après l’autre. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un, il arpente la cave immonde au milieu des cadavres en décomposition de ses frères et sœurs et vous ne savez plus quoi lui souhaiter. Vous ne savez plus non plus en qui vous pourriez encore avoir confiance.