au prix des arbres

Les arbres prennent cher. Ils ne mangent pas d’animaux, ils ne brisent pas des canettes sur les pistes cyclables, ils n’écoutent pas de la musique de fête foraine à fond dans leur voiture en faisant des queues de poisson aux cyclistes (qui – on le voit – prennent cher, eux aussi) alors on se dit qu’ils ne vivent pas vraiment, pas plus que le plastique et que, comme le plastique, ils existent à seule fin de nous servir, à nous qui avons tout compris à la vie. C’est pourquoi on peut déforester sans scrupule

(exploitation sylvicole éhontée, Eupen)

et dire, Ne vous inquiétez pas, on va en replanter d’autres. (Si un jour on vous massacre à la tronçonneuse pour vendre vos organes au plus offrant, dites-vous que d’autres reprendront le bail de votre appartement donc où est le problème ?)

(enfants sapins de la bien nommée Leforest, qui seront sacrifiés dans deux mois pour que nous puissions les faire clignoter d’ampoules multicolores à basse consommation ou pas et ainsi célébrer dignement la naissance de Jésus, manger le foie des oiseaux et déballer des jouets en plastique avec nos enfants qui ne se mangent ni ne s’abattent = qui ne servent à rien)

Qu’est-ce que ça peut bien faire, d’abattre des individus radieux et en pleine santé, s’ils ne peuvent pas crier pour s’y opposer ? (Oh pardon, suis-je bête, ça ne changerait rien s’ils criaient : les animaux qu’on mène à l’abattoir hurlent de terreur mais quand on parle des abattoirs, c’est pour plaindre les psychos sapiens qui acceptent de trucider des innocents à la chaîne pour un salaire de merde, pauvres choux.)

J’ai déjà évoqué ici l’abattage de nombreux arbres sur la véloroute qui relie Avion à Hénin-Beaumont, pour le remplacement d’un pont à Méricourt. Voici la suite de l’histoire, de mai à ce jour.

J’aurais pu faire un flip-book très édifiant et l’intituler Strates si je n’avais pas changé d’angle une fois sur deux, non ? Et hop, le gravier sur les bâches en plastique,

et hop, la terre sur le gravier sur les bâches en plastique,

et aujourd’hui voici ce que nous avons :

Oui, c’est un peu tout nu mais ne vous inquiétez pas, on va replanter. On file le nouveau bail à des arbres qui pousseront sur et sous des bâches en plastique (quel mille-feuilles) et qui dans une soixantaine d’années auront la superbe de ceux que l’on vient de sacrifier. En attendant, dites-vous que c’est bien dégagé, net et propre. (Je précise que les ouvriers du chantier ont déjà dû effacer quelques bites artistement bombées dans ce brand new tunnel tout blanc, mon intuition me dit qu’elles seront vite de retour.)