NPR 75 et 75A décoratifs

Aujourd’hui, honneur aux commerçants d’Avion – qui sont docteurs ès onomastique, avec par exemple les enseignes Envie de fauteuils et Envie d’optique car Avion est assurément la ville de toutes les envies, mais aussi avec Rabotifs – qui n’est pas le jeu de mots avec tif ou hair le plus courant, vous l’admettrez. Désolée pour la qualité plus qu’épouvantable de ces NPR, qu’il m’a fallu scotcher dans le vent et la pluie. Ce qui est bon pour les jardins (surtout équipés de barrières maison stop-limaces très efficaces) ne l’est pas forcément pour les processus réversibles, c’est ainsi.

NPR 74, 74A et 74B [yzaʒe]

Aujourd’hui, des usagers, des usagés & des us âgés improvisés pendant ma course à pied.

NPR 74 des usagers

Après avoir pris soin de la santé de mes concitoyens à Noyelles-sous-Lens, je me suis rendue sur mon site fétiche du moment, où j’ai dansé avec les lapins

puis me suis autorisé un appel au civisme par le biais de ce

NPR 74A des usagés

avant de recouvrir le NPR 58 d’ajournement par ce slogan anti-chasse

NPR 74B des us âgés

NPR 73A et 73 des synapses pétillants

L’idée de ce NPR m’est venue avant-hier soir : je venais d’apprendre que je passerais le week-end au paradis et je me demandais quelle musique écouter. Tout en moi faisait des claquettes mais quand j’ai passé en revue les derniers albums que j’ai découverts, j’ai sautillé des fesses sur ma chaise en voyant la joyeuse pochette de cet album du duo LEYA – soit Marilu Donovan à la harpe et au chant et Adam Markiewicz au violon. J’avais trouvé le disque très beau à la première écoute mais sans pouvoir aller jusqu’au bout parce que j’avais l’impression que j’allais mourir de tristesse. Et c’était il y a quelques jours à peine – what a difference a day makes! Aujourd’hui, je peux apprécier pleinement cette musique pas si flingante, en définitive, et la pochette pourrait être de Nan Goldin, j’adore.

J’avais une idée de phrase pour le NPR, il me restait à trouver le lieu adéquat où l’accrocher. J’ai pensé à une fresque de Sallaumines, ce qui donnerait ceci – tiens oui, commençons à l’envers avec le

NPR 73A des disques tristes

Mais hier, avant d’avoir pu me rendre à Sallaumines, j’ai pédalé jusqu’à Carvin pour y recevoir ma première injection dite chronodose, chantant en chemin des chansons pas du tout tristes puisque personne ne pouvait m’entendre dans le vent furieux le masque et les champs comme ça

et une fois parvenue au centre de vaccination, à peine ai-je attaché Mon Bolide à un poteau que j’ai découvert ceci

et j’y ai punaisé ce NPR avec anacoluthe

Notez que les supports de ces 73A et 73 présentent deux formes très différentes d’art municipal, ce qui vaut à ce billet d’être également référencé dans la rubrique Kitsch & Lutte des Classes (le décor du 73 n’a rien à envier au petit c de L’art : collectivités du Nord).

NPR 72 d’effondrement tranquille

La semaine dernière, j’entends des scientifiques alarmés par l’accélération vertigineuse de la fonte des glaces et je pleure ; je slalome entre des gens qui marchent en regardant un téléphone et je pleure. La civilisation décline, entraînant avec elle tout ce que cette planète incroyable compte de splendeurs – pensez à l’addition de circonstances fragiles, d’accidents et de hasards qu’il a fallu pour qu’existe la mésange charbonnière, par exemple, parmi les innombrables petits miracles que sont nos singularités. Je pleure pour ce monde et pour toutes les espèces qui n’ont rien demandé, certes, mais je pleure aussi de ne plus avoir une main dans la mienne pour avancer dans ce monde inquiétant et y générer de la lumière.

Mais où est-elle ?

NPR 70 crépusculaire

Il a bien fallu que Piero Manzoni choisisse un endroit où poser son Socle du monde ; et moi, un endroit où accrocher mon NPR crépusculaire. Ce dépôt sauvage d’encombrants au sein d’une nature profuse et généreuse, piquetée de coquelicots, s’est imposé à moi. Non parce qu’on y trouve tout pour la maison (des jouets, une poubelle, un fait-tout, un bac à couverts de lave-vaisselle, des vêtements, un abat-jour, des Tupperware, etc.) mais pour son sapin de Noël artificiel sur lequel subsistent quelques décorations. Un arbre en plastique pathétiquement abandonné à la végétation dont il voudrait imiter la grâce ; un arbre dont j’aurais pensé qu’on l’avait acheté pour éviter de tuer un jeune sapin et dans lequel je voyais quasiment une concession à la flore mais que l’on a largué sans état d’âme parmi les tendres pousses du printemps. Je l’ai redressé car il gisait au milieu du tas et, quand je l’ai adossé à un mini scooter électrique, celui-ci s’est mis à jouer une petite mélodie électronique pour enfant en bas âge, incongrue dans les chants des oiseaux qui seuls jusqu’alors emplissaient l’air, et j’ai eu confirmation de mon intuition : c’était l’endroit, l’ici, l’adverbe de lieu auquel j’allais lier le repère temporel : ce sapin adossé au scooter serait le seuil du crépuscule.

C’est parti. J’ai donné le départ hier soir vers 18h23.

Le seul témoin de ce moment historique où j’ai déclaré entamé le déclin de l’espèce humaine s’est détourné, les larmes aux yeux. Pas rancunier, le lapin. Car, vous l’aurez deviné, je me trouvais au sein de mon nouveau site fétiche du dimanche soir, que jonchent les douilles de fusil.

NPR 69, 69A et 69B de la désuétude

Je suis très alarmée par la dématérialisation de la vie, dont on observe une nette accélération depuis le début de la crise sanitaire. J’imagine qu’écrire un roman de fantômes en plein confinement, qui plus est à un moment où, par une ironie contextuelle, la personne qui m’a appris l’existence du verbe ghoster m’a offert une démonstration du concept (ce petit mépris facile et mesquin à l’usage des indolents, apparemment très en vogue chez les jeunes), j’imagine que tout ça me rend encore plus sensible que par le passé à la manière dont les êtres humains et leurs interactions sont en train de se déliter dans un flou numérique. Tout est lié : la crise sanitaire n’a fait qu’achever de convaincre une fraction impressionnante de la population qu’on est mieux chez soi, qu’une bonne connexion internet pourvoit désormais à tous nos besoins et que dehors, de toute façon, tout est sale, dangereux et contraignant. Ce qui me donne le plus le vertige est de penser que le monde que j’ai aimé n’existera bientôt plus ; qu’il disparaîtra sans doute avec ma génération, voire avant qu’elle ait fini de débarrasser le plancher. C’est de penser que je partirai sans regret. Je regarde autour de moi et la vie éternelle ne me fait pas rêver. Ce matin, j’ai improvisé ces trois nouveaux processus réversibles.

NPR 69 obsolète

homo sapiens est
un système obsolète

NPR 69A suranné

autrui est
un concept suranné

(oui, encore autrui – et ce n’est pas fini, autrui sera bientôt de retour, plus laconique et radical que jamais)

(autrui court parce qu’il sait que je ne ralentirai pas pour l’épargner – existe-t-il vraiment ou est-il rembourré de billes en polystyrène ?)

NPR 69B caduc

le corps est
un concept caduc

(un fossoyeur-bâton est en train de l’inhumer)

NPR 68 et 68A d’autrui

Des innovations en ce 15 mai : voici deux NPR mobiles au sens jouet du terme. Le premier a trois faces, prémisse majeure, prémisse mineure et conclusion, puisqu’il s’agit de mon premier NPR-syllogisme – j’ai toujours eu de l’affection pour ces raisonnements spécieux, essentiellement absurdes et dont j’ai plus d’une fois cédé au potentiel loufoque, d’ailleurs un chapitre de mon Zeppelin s’intitule « Petit syllogisme de la rue Canard-Bouée ». Quoi de plus yogi-tea, au fond, qu’un bon vieux syllogisme ? Voici donc le

NPR 68 syllogisme d’autrui

autrui est l’envers de l’être
or l’être est l’envers du néant
donc autrui est le néant

Vous aurez noté que ce NPR est 100% biodégradable et que la branche à laquelle je l’ai accroché est morte. Ce qui ne m’empêchera pas, évidemment, de récupérer le mobile dès qu’il sera devenu illisible et de recycler la ficelle.

Et maintenant, un mobile plus simple, plus minimaliste mais aussi plus crétin quoique, au-delà du jeu de mots, il soit d’une étonnante justesse – bien plus que de nombreux aphorismes yogi-tea. Voici le

NPR 68A d’autrui double face

Je n’ai pas réussi à obtenir une image plus nette de ce ver à soie, le principe du mobile extérieur étant que le vent le fasse danser – ce qu’il s’avère faire avec beaucoup de zèle.

(Je vous donne ici, concernant les paramètres écologiques d’accrochage, les mêmes assurances que pour le mobile du syllogisme .)

NPR 66 acidulé

D’abord, j’ai pensé à ceux qui ne voient jamais le soleil se lever ; je me suis dit qu’eux et moi ne pouvions pas avoir des expériences comparables de la vie sur Terre. Ceux de mes proches dont l’existence est éminemment politique n’ont pas plus accès à ma perception du quotidien que je n’ai accès à la leur. J’ai souhaité pouvoir partager la grâce de l’instant et l’idée de ne pouvoir le faire m’a paru douloureuse. Puis j’ai convoqué les nombreux livres, disques et films dans lesquels je devine cette attention feutrée, délicate et minutieuse à la densité d’être en vie et l’envie de pleurer m’est passée. J’ai pensé à Laura Kasischke, à Claire Rousay, à Michèle Bokanowski dont j’ai beaucoup écouté la musique, hier, notamment ses Trois Chambres d’Inquiétude, 1976 (pensant que Bérangère Maximin, dont j’adore le travail, est en quelque sorte sa relève).

J’ai eu envie de poser une question aux usagers de l’ancien cavalier qui mène d’Avion à Hénin-Beaumont mais, voyant les masques chirurgicaux et mouchoirs usagés en joncher l’entrée, j’ai renoncé à la forme interrogative. J’ai changé « c’était quand » en « rappelez-vous », c’était de toute façon une bonne chose pour les allitérations.

Je ne sais plus quel nouveau processus réversible a d’abord accueilli ce cadre de carton et de ficelle. Il a trouvé un nouvel usage ce matin, sur une branche morte où j’irai le récupérer après la première pluie.