Ce matin, j’ai chopé un gravillon dans la valvule mitrale, ça faisait une plaie comme une bouche de poisson rouge et toutes les musiques, joyeuses ou tristes, risquaient de l’infecter, sauf celle de Tirzah. Alors j’ai couru avec la courte intégrale de la jeune Londonienne en boucle dans mon casque et très vite mon cœur a été comme neuf, limite gominé, alors les gens dans la rue ont commencé à me dire bonjour et à me sourire avec les dents comme si j’étais une bonne surprise – parce que moi-même, je m’en suis rendu compte, je souriais : un véritable tourniquet d’arrosage. Et je ramassais tous ces sourires comme des points de vie dans un jeu vidéo des années 80 (les seuls que j’aie jamais connus), et chaque fois ça faisait frrll-frrll.
(Une copine cygne, Kira, s’exerce aux jambes en l’air pour partager ma joie. Ce n’est pas gagné.)
Une jeune fille en blouson rouge ne souriait pas du tout, elle faisait du longboard avec un air revêche et un gros chien blanc qui était son seul ami ; j’ai couru un peu à leur côté avant de virer vers la Grande Résidence. Ils ont bientôt disparu à ma vue et mon cerveau s’est mis à mouliner. Roman à suivre*.
(L’idée de roman m’est venue ici, à la lisière de la Grande Résidence – la ZUP de Lens, comme on dit.)
* Mais pas tout de suite : j’ai d’abord promis à Polty d’écrire sa biographie. Puisqu’il est question d’ielle, une commission d’incrédules s’est réunie chez moi hier soir pour examiner la preuve de son existence apportée dans le billet ci-dessous et, après avoir observé, détaillé, commenté un agrandissement de l’image, elle est parvenue (quoique de mauvaise grâce) à la conclusion suivante : il y a bien un visage derrière la fenêtre. Cependant, elle n’admet toujours pas l’existence de Polty, pour preuve que l’on peut se prétendre rationnel sans être cohérent.