Dans mon acte 3, les rares jours où le stress me suffoque, il me suffit de passer le seuil de ma porte et de courir quelques kilomètres pour atteindre l’un des sommets du paradis noir que je me suis choisi. Là-haut, la force de la tempête est décuplée, il est d’abord difficile de respirer mais une fois que l’on y parvient on peut rire, danser, chanter, hurler, dévaler des pentes, les bras étendus, bondir sur les bosses et glisser dans les crevasses, on peut presque voler, le tout sans autre témoin que des amis oiseaux compatissants. Après, ça va mieux. Aujourd’hui, vue des terrils d’Harnes-Annay (jockomo feena nay) et d’Estevelles depuis celui de Noyelles-sous-Lens.
Là, on dirait que rien de ce que les humains ont inventé n’existe plus, on oublie qu’on est perché sur une montagne créée par les muscles de mineurs aujourd’hui disparus, on se rappelle seulement qu’on va mourir et que rien au monde n’est plus important que de regarder les saisons passer, les plantes pousser, les pierres s’éroder, les oiseaux se rassembler en nuées tournoyantes, et on rêve de revenir un jour sous forme d’un fantôme dont personne n’attendrait rien pour pouvoir contempler ces merveilles ordinaires sans être harcelé par des organismes barbares aux acronymes barbares ni par des congénères soucieux de ce que l’on produit. J’emmerde la productivité, je la lacère, je la broie, je la brûle, je la piétine, je la noie, je l’ensevelis. Le bonheur, c’est d’être là (≠ faire). C’est ça : être, sans rien à faire.