Des enclos

Deux fois par jour, un couple mixte (un homme et une femme) tourne en orbite autour du lycée que j’aperçois depuis mes fenêtres. Il le fait le dimanche, les jours fériés, et chaque jour de confinement. Peut-être est-il tombé amoureux de son enclos, ce serait une forme du syndrome de Stockholm, ou peut-être est-il encore plus en retrait du monde que je ne le suis et ne sait-il pas que nous avons de nouveau le droit d’accéder à la nature – pas à toute la nature, certes, mais certains paradis nous consolent de cette restriction absurde. Ainsi puis-je de nouveau emprunter le chemin de halage qui mène de Pont-à-Vendin à Haubourdin ; à une dizaine de kilomètres de chez moi, il passe entre le canal de la Deûle et les étangs de Meurchin.

Là, une bataille de foulques macroules m’a laissée perplexe. Trois petites racailles foulques qui se tombaient dessus à ailes raccourcies dans des gerbes d’éclaboussures.

Plus tard, Mon Bolide et moi roulions à Vendin-le-Vieil quand une église, au bout d’une rue perpendiculaire, a attiré notre attention. Nous avons pu la contourner et constater que ce n’était pas une église mais une habitation.

Quelques mètres plus loin, nous étions dans un cul-de-sac champêtre. Au loin, le terril d’Harnes, reconnaissable à sa bosse – c’est ce que l’on appelle un terril signal, parce qu’on peut le voir à 15 km.

Là, j’ai discuté un peu avec un cheval dépressif. Je n’avais jamais vu un cheval si triste. J’ai bien failli pleurer avec lui. Je lui ai dit que j’étais désolée : mes congénères sont si monstrueusement nombrilistes et spécistes que l’expérience du confinement ne leur fait même pas prendre conscience de la cruauté extrême que ça représente, d’enfermer des animaux d’autres espèces dans des espaces étriqués qu’ils n’ont pas choisis, non pas deux mois mais toute leur vie. Non, cette idée qui m’est une torture morale intense ne rend pas mes congénères fous, ni simplement compatissants, pas même les amis des animaux – qui, pour la plupart, montent dessus et/ou les mangent, certes, mais disent quand même les aimer.

Un kilomètre plus loin, un cheval heureux m’a au moins tiré un sourire.

Quant à mon cher Pinchonvalles, il est toujours interdit – on voit ici sa longue forme boisée depuis le terril des Garennes, où les lapins s’égaillaient par dizaines, tôt ce matin, avant le passage des premiers chiens. Je pense que ce sont des lapins heureux, quand la chasse est fermée. (Que ces raclures de chasseurs aillent crever.)