Signes

Cette nuit, je n’ai pas dormi. Vers quatre heures, j’ai entendu des pas dans l’escalier. Je n’ai pas envisagé un instant que quelqu’un se soit introduit dans la maison, ce qui aurait nécessité un certain fracas et, pour cette raison même, mon cœur a été saisi, mon cœur qui depuis trois jours bat de manière expérimentale. Il a fallu plusieurs minutes pour qu’il retrouve un rythme à peu près plausible.

Ce matin, je suis partie courir à 5h59. Mon corps était si léger que je le déplaçais sans effort, c’était comme passer un chiffon sur les routes. Il n’y avait personne, nulle part personne, j’aurais pu croire qu’une apocalypse silencieuse avait eu lieu pendant la nuit si, de loin en loin, je n’avais vu passer un bus vide. Puis j’ai emprunté un chemin arboré à l’écart de toute habitation et dépourvu d’éclairage. Je n’entendais pas un bruit, hors celui de mes semelles, ce qui me donnait une sensation étrange, mais soudain j’ai perçu un bruissement à ma droite. Il venait des arbres mais le son avait plus à voir avec le grésillement de l’électricité, or il n’y avait pas plus de pylône à proximité que de vent. Le son courait auprès de moi et, comme pendant la nuit, j’ai ressenti une peur profonde, puis la peur s’est dissipée. Le son m’a suivie pendant plusieurs centaines de mètres tandis que je fixais avec perplexité les branches nues et immobiles dont il semblait provenir. Quand j’ai tourné la tête dans l’axe du chemin, j’ai vu dans le ciel dégagé, où les constellations se dessinaient nettement, une étoile filante. Le grésillement s’est tu dans les arbres et les oiseaux ont entamé une foisonnante polyphonie.

Alors j’ai compris. C’était elle, elle qui me disait les mots de Beverly Glenn-Copeland (la reprise de Lafawndah m’est venue spontanément comme si quelqu’un – je sais bien qui – avait appuyé sur play dans ma tête),

Don’t despair
Tomorrow may bring love

Non, ma bonne étoile, je ne désespère pas. Relisant les paroles du morceau, de retour chez moi, je ne suis pas surprise d’y trouver cette phrase, à laquelle je n’avais jamais prêté attention : So you go to the window in search of a sign.

Photos prises à Brooklyn, Lille et Lezennes.