Des loques

je passe la serpillière quand soudain
j’ai une pensée pour ceux que l’on
dit loques – oh sans prétendre juger
de qui est loque et qui pas loque
mais enfin ce sont des choses qui se
disent des choses que l’on dit malgré
qu’on en ait alors pourquoi pas y
penser en passant le balai ?

on ne naît pas loque, on se fait loque
me dis-je ainsi raclette en main
voire on est fait loque par quelque
perversité narcissique sous l’emprise
de laquelle on croupit quand on s’est
laissé capturer comme au lasso car
un pervers ne se repère pas à tous
les coups : il y a des pervers mous
alors on s’enfonce sans résistance
dans leurs sables mouvants et on en
ressort loque, essoré – si l’on en sort
car il en est qui passifs voient les
décennies se succéder sans espoir
d’esquiver leur despote et s’éteignent
dans le silence où seuls bruissent
leurs chaussons glissant sans force
sur le sol tapissé des miettes molles
qu’ils laissent traîner – car pourquoi
ramasser ce qui reviendra ? se dit
l’humaine loque pour qui chaque
jour est le décalque des autres tant
la loque manque de goût pour tout

bien que victime ça ne suscite pas
la sympathie une loque mais plutôt
des soupirs de lassitude : tel est le
triste sort des loques que de suffoquer
en faisant se lever les yeux au ciel
comme une nuée de mouettes
c’est ce que je me dis encore en
rinçant la serpillière ensuite de quoi
je laisse à mon tour les loques pour
aller vaquer à mes petites activités