NPR 34 à usage unique

Hier, j’ai pédalé une vingtaine de kilomètres pour aller prendre des photos destinées à mon livre sur les terrils, à paraître en fin d’année. J’en ai profité pour inspecter quelques nouveaux processus réversibles ; j’ai notamment décroché le NPR 22 du vaste monde, dont le texte avait tellement déteint qu’il n’était plus très lisible, et décidé de réutiliser le carton sur lequel était collé le texte. Je l’ai glissé dans ma pochette de papiers divers à emporter pour les NPR improvisés. Il m’a servi dès ce matin. La phrase a germé alors que je pensais au recyclage en courant sur les monumentaux artefacts reconquis par la nature que sont les trois terrils de la base 11/19. Un peu plus tard, j’ai longé un quartier fantôme de Lens et j’ai su à quel endroit et sur quel support ficeler la phrase.

Le site que l’on aperçoit en arrière plan sur la photo du processus est l’un des ensembles résidentiels dit du 9 (à savoir de la fosse 9). Il s’agit d’une cité pavillonnaire au sein de laquelle niche un îlot de plain-pied blancs plus récents ; cette cité n’est séparée du Louvre-Lens que par une route et une rangée de corons reconvertie en hôtel quatre étoiles.

Un jour de 2018, je passais dans la rue ci-dessus (qui en fait partie) avec l’artiste qui veut laisser une trace et nous avons interrogé l’un des derniers habitants.
– Bonjour Monsieur, a dit mon amie, vous savez ce qu’ils vont faire ici ?
Elle désignait les maisons murées dont ce monsieur était le voisin.
– De la merde, comme là, a-t-il répondu en levant le menton vers le Louvre-Lens.
Je ris toujours autant, chaque fois que j’y pense. Presque autant que quand je me rappelle la scène très cinématographique où l’artiste est assise en terrasse, à Rotterdam, avec une désinvolture toute aristocratique et les yeux plissés dans le soleil, quand un sac plastique s’élève avec grâce dans la brise et se colle à son visage, tout doucement, épousant chacun de ses traits.