NPR 46 de toujours + NPR 30A d’enquête

Je pensais à beaucoup de choses en courant, ce matin, je n’étais pas très concentrée. D’abord, alors que j’écoutais Claire Rousay (très précisément ceci), j’ai pensé à une autre des 1433 créatrices sonores de mon répertoire, dont l’univers est très éloigné du sien, Christine Ott. Je pensais plus précisément à ce que je croyais être son dernier album en date, Chimères (pour Ondes Martenot) dont vous pouvez écouter cet extrait déchirant, jusqu’à ce qu’en rentrant chez moi, selon mon rituel quotidien, je consulte les cinq sites anglosaxons consacrés à la musique dont j’ai fait mon seul lien avec l’actualité du vaste monde et découvre que la nouveauté du jour proposée par l’un d’entre eux est un album de ladite Christine Ott joyeusement intitulé Time To Die. Ces coïncidences me fascineront toujours. J’ai aussi pensé à mes échanges d’hier avec une amie que je n’ai pas vue depuis 25 ans et qui m’a rappelé des épisodes de notre vie que j’avais totalement oubliés (terrifiant). J’ai pensé au texte en collaboration avec une autrice mystère et à la manière étrange dont il me libère, me place à distance de ma propre histoire. La phrase qui m’est venue quand je me suis dit qu’il serait temps d’envisager un petit NPR pour saluer ce 23 avril et son beau nombre premier (l’un de mes favoris) est celle-ci :

J’aime bien la syntaxe de cette phrase, elle me fait penser à un chat qui se refuse aux caresses et fait onduler sa colonne vertébrale sous la main dont il veut esquiver l’intrusion. Quand j’étais une toute jeune fille, je me demandais toujours des tas de choses à propos des lieux que je traversais passivement – par exemple, assise à l’arrière de la voiture quand mes parents et moi nous rendions chez mes grands-parents. Quand nous attendions à un feu rouge, je regardais les façades muettes à travers ma vitre et me demandais combien de personnes étaient mortes dans cette maison, combien de couples s’y étaient aimés, de quelle nature avait été la douleur la plus intense qu’y avait endurée un(e) de ses habitant(e)s. Mon NPR du jour a quelque chose à voir avec cette curiosité juvénile, soit une lumineuse mélancolie.

Avant cet accrochage de dernière minute, j’avais également poursuivi une enquête dont je dois maintenant vous expliquer les grandes lignes. J’essaie de comprendre pourquoi certains NPR sont arrachés avec une sauvagerie qui sent la colère ; je teste, je tâtonne. Hollywood, on l’a vu, n’est pas au goût de mes concitoyens (à ce propos, j’ai ressenti un véritable soulagement quand j’ai trouvé le dernier message en date de mes plus grands fans anonymes au dos du NPR 44 surfait).

Le NPR 30 culturel n’a pas davantage agréé à mes censeurs : la phrase centrale (les jeunes vident des extincteurs sur la véloroute parce qu’ils ne peuvent plus aller au théâtre) a été arrachée le jour même de sa pose ; ça se passait à Lens, à la lisière d’une cité minière. Ce matin, quand j’ai découvert sur mon chemin fétiche que les restes d’une fête (Curly inclus) avaient été brûlés pendant la nuit (c’est assez courant ; à choisir, je vote pour les jeunes qui brûlent leurs détritus plutôt que pour ceux qui les brisent, l’avantage des canettes en alu étant qu’elles ne crèvent pas les pneus de vélo), j’ai décidé de tester le concept ici.

Ma thèse, à ce stade de l’enquête, est que certains jeunes se sentent méprisés ; ils deviennent très rugueux dès lors qu’il est question de leur désœuvrement et de leur territoire (qui n’est pas Hollywood, certes, mais si Hollywood fait encore rêver quiconque au 21ème siècle, ce doit être quelqu’un qui n’a pas les mêmes lectures que moi) et perdent toute autodérision. Nous verrons quel sort ils réserveront à ce NPR 30A.