Des faux NPR

J’ai eu du mal à me lever à 5h30 ce matin après une mauvaise nuit alors je me suis dit que j’allais tâcher d’épargner un peu mes forces et faire 5 km de vélo pour courir juste un peu dans des bois qui ne sont pas accessibles pendant la saison de chasse. Sauf que je m’y suis perdue et qu’au final, j’y ai couru deux heures. Il s’agit de trois bois différents, qui se fondent les uns dans les autres par d’étroits sentiers, le tout parfois bien vallonné. C’était d’une beauté sauvage, les jacinthes des bois formaient des nappes bleues mêlées aux ronces et à la verdure si dense que je ne sentais presque pas la pluie, sauf quand je longeais ou traversais une pâture ou l’un des champs enchâssés dans la végétation comme ça

(Détail, en vue satellite.)

Au cours de cette étonnante course à pied, j’ai eu plusieurs surprises ; la première sera détaillée plus bas, la seconde était une oie qui a surgi en criant d’indignation par-dessus les épis dans un champ que je traversais, les tiges jusqu’aux hanches, par chance nous étions chacune sur une ornière de pneu du même tracteur et je ne suis donc pas rentrée avec des suçons sur les chevilles. Ensuite, j’ai découvert deux NPR qui n’étaient pas de moi. Est-ce la municipalité qui a placardé le premier quelque part dans ce fouillis végétal, un organisme de préservation de la nature, ou un usager à béquilles ? Je ne sais pas, mais je trouve cet avertissement, selon cet insupportable mot à la mode, carrément inspirant (à suivre, donc).

Et qui a bien pu planter, quelque part dans cet impraticable fouillis végétal, le sens interdit ci-dessous ? Car, ce n’est pas une illusion d’optique, il n’y a aucune forme de chemin accessible au milieu de ce capharnaüm. Je me trouvais peut-être à ce moment-là sur un ancien cavalier minier mais le vestige me paraîtrait alors à la fois anachronique et étrangement bien conservé.

Mais avant tout cela, j’avais assisté à un beau lever de soleil sur les champs et, surtout,

j’avais vu mon premier faon de l’année. La photo est épouvantable parce que prise avec un téléphone mouillé, dans la lumière grisâtre du matin et en zoomant pour ne pas faire fuir le petit. Nous nous sommes observés longuement ; je lui parlais d’une voix douce et ses oreilles pivotaient comme des oreilles de chat ou il penchait la tête comme s’il réfléchissait, ouvertement curieux. Je l’aime, je voudrais le serrer contre moi et le protéger de mes congénères et des pièges qu’ils sèment dans les bois. Quand j’ai repris ma foulée, il était toujours là qui me regardait, j’aurais dû rester. Plus tard, je me suis promis une chose : la prochaine fois que je me trouverai dans ce type d’intimité avec un faon, je m’étendrai par terre. Je suis certaine que les animaux ont plus d’empathie que certains humains et qu’il approchera pour voir si je vais bien. Je lui parlerai, on se donnera des petits noms et ce sera mon ami. Comme Danny (je me demande parfois comment il me nomme quand il me reconnaît de loin et se dirige vers moi avec ses petits effets – déhanchements, claquettes et braiments).