NPR 66 acidulé

D’abord, j’ai pensé à ceux qui ne voient jamais le soleil se lever ; je me suis dit qu’eux et moi ne pouvions pas avoir des expériences comparables de la vie sur Terre. Ceux de mes proches dont l’existence est éminemment politique n’ont pas plus accès à ma perception du quotidien que je n’ai accès à la leur. J’ai souhaité pouvoir partager la grâce de l’instant et l’idée de ne pouvoir le faire m’a paru douloureuse. Puis j’ai convoqué les nombreux livres, disques et films dans lesquels je devine cette attention feutrée, délicate et minutieuse à la densité d’être en vie et l’envie de pleurer m’est passée. J’ai pensé à Laura Kasischke, à Claire Rousay, à Michèle Bokanowski dont j’ai beaucoup écouté la musique, hier, notamment ses Trois Chambres d’Inquiétude, 1976 (pensant que Bérangère Maximin, dont j’adore le travail, est en quelque sorte sa relève).

J’ai eu envie de poser une question aux usagers de l’ancien cavalier qui mène d’Avion à Hénin-Beaumont mais, voyant les masques chirurgicaux et mouchoirs usagés en joncher l’entrée, j’ai renoncé à la forme interrogative. J’ai changé « c’était quand » en « rappelez-vous », c’était de toute façon une bonne chose pour les allitérations.

Je ne sais plus quel nouveau processus réversible a d’abord accueilli ce cadre de carton et de ficelle. Il a trouvé un nouvel usage ce matin, sur une branche morte où j’irai le récupérer après la première pluie.