Le langage se porte très mal en cette ère de communication, de rhétorique et de censure. J’ai décidé d’écrire une série de saynètes pour tourner en dérision divers usages qui me répugnent tout particulièrement. Rire de ce qui m’échappe, je ne vois plus que ça. J’essaierai, autant que possible, d’éviter les didascalies – ne sont-elles pas en quelque sorte la signalétique du théâtre ? Pour commencer, une historie presque vraie.

A – Excuse-moi…
B – …
A – S’il te plaît ?
B – …
A – Excuse-moi mais tu me marches sur le pied.
B – Qu’est-ce que tu essayes de faire ? De me culpabiliser ?
A – Pas du tout, c’est juste que ça me fait mal, en fait.
B – Non.
A – Euh. Comment ça, non ?
B – Tu n’as pas mal, c’est du chantage.
A – Aaaaaah… Attends, je crois que l’ongle de mon petit orteil est en train de
B – Je ne t’écoute plus, tu es une manipulatrice.
A – Mais mon ongle,
B – Laisse-moi tranquille, tu m’as suffisamment blessée.
A – Putain mais tu vas virer ton gros talon dégueulasse de mon orteil, saloperie ?
B – Bravo ! Culpabilisante, agressive, ordurière, putophobe et grossophobe. Quelle finesse… Tu vois bien qu’on ne peut pas parler avec toi.