Ces derniers temps, je prends beaucoup de trains, de trams et autres transports en commun. Cette semaine, j’ai pris sept trains, dont cinq dans la seule journée d’hier ; la semaine prochaine, j’en prendrai six, celle d’après six encore. J’ai donc beaucoup de temps pour réfléchir et pour lire. Les sangliers ne sont jamais loin de mes pensées ; quand j’essaie de m’en éloigner, ils se rappellent à moi.

1. Ce week-end, une battue est organisée dans les Hauts-de-France ; deux cents chasseurs, ces scrofules de l’espèce, sont invités à « réguler » la population de sangliers. Qui est en surpopulation ? Qui prend toute la place ici-bas, étend ses villes, colonise les campagnes, détruit l’habitat des autres ? Je lis que les sangliers sont beaucoup plus nombreux qu’autrefois parce que les hivers sont moins rigoureux : il faut donc qu’ils payent pour le réchauffement climatique ? Je lis aussi de nombreux articles s’alarmant de l’irruption de sangliers dans les villes, parfois des hardes entières – que dire de l’irruption des humains sur leurs territoires ? À Toulouse, un sanglier a été abattu en pleine rue. Pourquoi ? Pourquoi ne pas l’avoir simplement raccompagné chez lui ? Peut-être que si des chasseurs ne les traquaient pas six mois par an, ils auraient moins tendance à étendre leur territoire ? Qui supporterait de vivre sous la menace constante d’être abattu ou, pire, de voir les siens massacrés pour le loisir de dégénérés ?

(Photo de Menahem Kahana)
2. Juste avant de partir en résidence à la Factorie et de rencontrer mon sanglier, j’ai lu Farouches de Fanny Taillandier, dont j’aime beaucoup le travail. Une femme désœuvrée essaie de créer un soulèvement pour éradiquer les sangliers qui se promènent dans son quartier chic et qui ont saccagé la pelouse autour de sa piscine. Il se passe bien d’autres choses dans ce roman mais c’est cet élément que la couverture a choisi d’illustrer.

Dans le train Val-de-Reuil-Paris, au retour de la Factorie, j’ai lu cette page d’un autre roman (Consul est un renard) :

Et hier, dans le train Paris-Creil, cette page tirée d’un autre roman encore.

Je repose la question : phénomène, apophénie, épiphanie ?
3. Cette nuit, j’ai rêvé que j’étais en résidence depuis quelques jours dans une ville que je n’avais pas fini de découvrir. En courant, tard le soir, je voyais une harde qui s’y promenait tranquillement et j’essayais de ne pas me trouver sur son chemin. Ma fuite a duré longtemps ; je me rappelle avoir fait un détour quand j’ai débouché sur un passage dépourvu d’éclairage public. J’ai fini par comprendre que la harde me cherchait. Finalement, elle m’a rattrapée à l’intérieur même de la villa où se déroulait ma résidence. La laie m’a coincée contre un mur et a poussé ma main avec sa tête, comme un chat, pour que je la caresse. Ce que j’ai fait tandis que les marcassins se frottaient à mes jambes pour avoir leur part de mon affection. J’éprouvais un immense soulagement et un plaisir tout aussi grand à cette complicité mais une voix disait « Pas trop, attention, n’oublie pas que ça reste des animaux sauvages ». Pour citer une jeune fille rencontrée au collège, cette semaine, en commentaire d’une de mes réponses, « C’est intéressant, ça… »