53

J’étais en manque de mes paysages alors cet après-midi j’ai tout laissé en plan, tout mon secrétariat qui mange mon temps d’écriture et m’empêche de me concentrer, planté là mon devoir pour sauter sur mon vélo. Je ne pensais pas aller très loin, j’ai dormi une dizaine d’heures cette semaine à cause de this woman who keeps me awake at night (pour la citer) mais j’étais tellement heureuse au soleil, en mouvement, la chasse fermée, j’avais tellement l’impression de retrouver la liberté que j’ai fini par arriver à Douai. Les cerisiers en fleurs, les oiseaux d’eau en fête, les péniches en file, tout cela me réjouissait tellement. Les rares personnes que je croisais me souriaient ; pour la première fois, un marinier m’a fait signe et j’ai agité la main en retour comme si nous étions de vieilles connaissances. J’ai roulé 53 km en tirant sur mon heure de sommeil d’hier comme sur un élastique et souri parce que mon Italienne de Londres m’appelle crazy cat pour me taquiner quand elle se demande comment je tiens encore debout, j’aime tant qu’elle me taquine, j’ai mangé un excellent chausson aux pommes de Lauwin-Planque en pédalant, le ciel s’est couvert, le soleil bataillait sec, plantait ses faisceaux dans la masse nébuleuse, tout était beau sans mélancolie sauf

à Fouquières ce pauvre arbre creux qui devait héberger tout un écosystème avant que la tempête ne le laisse en lambeaux ; j’ai caressé doucement le bois, il était presque rouge, presque humide, il était vivant.

Cette année, je l’ai remarqué, il y a beaucoup de piverts. Ici, un pic épeiche près du lagunage d’Harnes – zoom au maximum, il béquetait à une trentaine de mètres du sol.

La grue de la plateforme multimodale chargeait Athena. Plus loin, je verrais pour la première fois la péniche Mc-Gyver 3 dans le port de Douai mais la photo que je prendrais serait à contrejour alors il faudra juste me croire.

À Auby, il y a des arbres à cormorans ; en voici un.

Et à Flers-en-Escrebieux, le soleil a peigné les nuages. J’avais des miettes de chausson entre les dents, ça m’apprendra, ce n’est pas vegan. Maintenant je suis si fatiguée que je pourrais dormir au bord d’une souille.