Dominos

La femme que j’aime est en plein ciel à cet instant, la femme que j’aime part en tournée aux États-Unis avec l’un de ses groupes. Je ne suis pas auprès d’elle, j’ai des engagements de mon côté, d’ailleurs je ne pourrai pas toujours la suivre partout. Elle voudrait m’emmener partout, je voudrais l’y suivre et moi aussi je l’emmènerais partout si c’était de notre ressort. Je voudrais la protéger des vieilles dames qui tombent dans les escalators à l’aéroport d’Heathrow et entraînent tout le monde en dominos alors que son avion décolle dans trois minutes, comme elle aimerait me tirer des sables mouvants dans le havre de Regnéville, à l’aube quand les phoques. Elle trouve qu’elle ressemble au bébé phoque de ma photo ; elle le trouve beau ; je l’aime de se comparer à un bébé phoque, je l’aime de se trouver belle, elle l’est, elle sait qui elle est, quelle merveille. Nos vies rocambolesques emmêlées, ça va être quelque chose. Sa gourmandise protéiforme et la mienne ; nos insatiables besoins conjugués de rire, d’aimer, de créer, de danser, d’écouter, de goûter, d’expérimenter. Donc elle est dans l’avion pour dix heures et elle me manque. Donc j’attends 1 h du matin pour m’assurer que son avion ait bien atterri à Seattle. Donc je reste concentrée, patiente et heureuse.

Cette lumière, là, c’est elle. C’est Valentina qui dort dans l’avion avec mon cœur pour coussin.