Ce matin, j’ai cru qu’il y avait un problème avec le soleil. Je vis ajustée à son rythme depuis plusieurs années ; je sais qu’il faut partir une heure avant son lever pour profiter de ses plus belles lueurs. Ce matin, j’ai eu du mal à me tirer du lit, certes j’avais fini ma leçon d’italien à presque minuit et il était 5h mais j’ai souvent des nuits bien plus courtes que ça et je saute toujours sur mes pieds dès la première sonnerie du réveil, aiguillonnée par les promesses de l’aube. Alors quoi ? Ce matin, je m’en suis voulu de partir un peu plus tard que je ne l’aurais souhaité, tant je me traînais. Tu vas tout rater, je grognais par-devers moi. Mais à peine avais-je fait quelques foulées dans la rue que je me suis demandé ce qui se passait : pas le plus pâle halo à l’horizon, or aucune nébulosité ne pouvait l’expliquer. J’étais si mal réveillée qu’il m’a fallu deux ou trois kilomètres pour me rappeler l’existence d’une heure d’été. Je n’ai pas raté le lever du soleil mais j’ai dû courir longtemps pour l’attendre. J’avais décidé de me rendre dans la quatrième dimension, ça faisait longtemps. Quand je suis parvenue à son abord, il faisait encore nuit noire.
Derrière ces panneaux électoraux très éloquents, l’un des points d’accès à la quatrième dimension, au sud-ouest.

Le site étant plein d’embûches, il m’a semblé plus prudent de le contourner – ok, j’avais aussi peur de déranger des sangliers (après avoir modifié mes structures mentales pour penser en nombres premiers, je les ai configurées pour dessiner des cartes, y repérer des itinéraires qui seraient aux « coulées vertes » ce que les lignes de désir sont au maillage viaire, de manière à jauger la vraisemblance d’un surgissement suidé dans tel ou tel lieu que j’aime fréquenter dès potron-minet).

J’ai pénétré dans la quatrième dimension par le nord-est et je suis allée attendre le soleil là où, d’autres nuits, j’avais observé les étoiles filantes. Face à moi, le 101 et le petit chapeau du 84 sur lequel je me tenais au début de la semaine. J’aime la silhouette de ce double tas, un peu vaisseau fantôme.

Et si je pivotais légèrement vers le nord, je voyais le sommet du terril où je me tenais hier – le Fouquières officiel, celui qui est entretenu et affublé de signalétique, de l’autre côté de la rocade minière.

Je n’ai pas attendu que le soleil se montre – c’est un peu tard, maintenant, avec ce changement d’heure : 7h39 ? Vous êtes bien gentils mais je travaille quand ?

Il y avait beaucoup de lapins, ce matin, dans la quatrième, l’air foisonnait des cris des faisans et des petits ressorts des piverts.

Je suis rentrée par le chemin le plus court, j’avais une ampoule grosse comme un litchi sur le talon gauche à force de courir dans cette panne de soleil. J’ai traversé une cité minière à l’abandon comme il y en a tant par ici. Mon amour était sur scène à Seattle, avec neuf heures de décalage sur ma réalité.
