C’est la fin de l’année. Une de mes amies s’est effondrée de sommeil cette semaine après sa dernière grosse échéance, moi je me suis effondrée en larmes aujourd’hui, inconsolable, j’ai mis Jessica Sligter sur le coup mais sa voix qui habituellement me réconforte tant n’a rien pu y faire, je pleurais sur mon vélo, les canards dormaient en plein jour, recroquevillés dans le vent cynique, c’était d’une tristesse, un petit garçon brossait la grille de sa maison sur le chemin de halage et quatre autres de son âge passaient à vélo devant lui sans lui prêter attention, j’en avais mal à la gorge, une vieille dame titubait, sa canne dans une main et la laisse trop courte d’un petit chien dans l’autre, Je vous vois, canards, petit garçon, petit chien, vieille dame, je vous vois et je ne peux vous protéger de rien. J’ai tenté ma playlist Roadtrip et même la musique cajun était mélancolique et tout tout tout vacillait au seuil de sombrer dans l’à quoi bon puisqu’on va tous mourir – stupide : tout est bon puisqu’on va mourir et que c’est la garantie de notre absolue liberté (liberté absolue ≠ liberté effective, quasi nulle dans la civilisation inventée par homo sapiens, sommes bien d’accord). C’est la fin de l’année, la fin du mouvement que l’on ressentait comme perpétuel, même si juin s’annonce chargé, même si mon juillet commence par une résidence, j’ai tenu le plus gros de mes échéances. Avant-hier, j’en soupirais de soulagement. Hier, j’écrivais de la poésie avec un sentiment de légitimité inédit. Aujourd’hui je pleurais sur mon vélo et en plus je venais de trouver la chanson idéale pour surligner mon état d’âme. J’avais acheté la version digitale peu avant de quitter la maison et d’ajouter 30 km de pédale aux 15 km de ma course à pied matinale. Je ne connaissais pas l’artiste, je me suis attardée sur son dernier single, paru ce mois-ci, parce que la violoncelliste Mabe Fratti (dont je suis la carrière avec intérêt) y a participé ; le single m’a immédiatement paru étrange, d’une étrangeté subtile, indéfinissable, un peu comme celle que cultivent mes héroïnes Jenny Hval, Jessica Sligter ou Cate Le Bon. J’ai écouté la chanson bouche bée, puis je l’ai achetée pour aller l’écouter en pédalant sur un chemin de halage, exactement comme je l’ai fait le jour où j’ai découvert Surrounds, Surrounds Me, la chanson qui m’a définitivement convertie à l’univers de Jessica Sligter (depuis, j’écoute certaines de ses chansons plusieurs fois par semaine, Man Who Scares Me étant en quelque sorte mon porque te vas cria-cuervien même si j’aime tout absolument tout de JS). L’effet a été assez similaire cet après-midi avec ce titre d’El Hardwick, Body Memory, sur le chemin de Courrières : C’est quoi, ça ? me suis-je demandé, perplexe. J’ai décidé que c’était sublime. Et puis j’ai pleuré.
Et ces deux titres de JS que j’ai déjà postés sur mon blog et que, à n’en pas douter, j’y posterai encore. Sublimes.