l’automne

Bien sûr je préfèrerais glisser au fil des dénivelés sur mon vélo par une aube tiède, que les chats errants se roulent sur le dos dans des flaques de soleil et que les fusils somnolent dans leurs étuis mais c’est l’automne et comme toutes les saisons elle a ses parfums, ses lumières et plus généralement ses Splendeurs & Merveilles alors je les savoure et les remercie.

Bien sûr je suis reconnaissante d’être si souvent sur les routes depuis un an mais passer un peu de temps chez moi me fait ronronner d’aise.

Ce matin, j’ai couru dans les rues de Loos-en-Gohelle, qui est une ville assez étrange (de ma part c’est évidemment un compliment), puis j’ai fini par un crochet sur le 11/19. Je suis frustrée de champs et de bois depuis l’ouverture de la chasse mais j’en profite pour savourer les paysages si singuliers de mon territoire.

Dans trois jours, ça fera trois ans que je peux l’appeler Mon territoire. Trois ans que j’ai emménagé à Lens, juste à temps pour les fêtes de la Sainte-Barbe. Je suis toujours aussi fascinée par la bizarrerie de l’habitat et des vestiges miniers, des artefacts devenus sites naturels – tas de schiste dont, par endroits, sort l’extrémité de traverses comme des os fracturés trouent une peau. Des terrils comme des collines vertébrées.

Je pensais aux villes dans lesquelles j’ai passé du temps récemment et je me disais qu’il n’y a vraiment rien à faire en ville. Et soudain je me suis rappelé que la plupart des gens pensent l’inverse : qu’il n’y a rien à faire dans le genre de trou que je me suis choisi pour habitat. Ils sont contents d’aller prendre des bains de foule dans des salles de spectacle ou des musées, ce qui doit représenter au maximum 5% de leur temps, et moi je suis heureuse d’échapper aux 95% de temps sans air ni horizon qu’il me faudrait subir si je vivais en ville.

Le luxe que je me suis octroyé en emménageant ici est celui des espaces ouverts, vastes, aérés.

Je courais ce matin avec l’impression que le vent me nettoyait dedans, mes poumons étaient comme des ailes intérieures. J’ai croisé deux personnes en 15 km, elles m’ont dit bonjour. J’étais heureuse.