the night dripper

Ce matin, tout le temps que j’ai couru (entre 6h45 et 8h), le ciel m’a offert un véritable spectacle, qu’aucun feu d’artifice ne saurait égaler ; chaque fois que je pensais le spectacle fini parce que le soleil était trop près de se lever, l’atmosphère trop claire, de nouveaux flamboiements bleus, verts, roses, orange, emplissaient le ciel à l’est, se reflétaient sur les nuages tous azimuts, on baignait littéralement dans les couleurs, c’était comme nager dans de l’aquarelle. Je dis on parce que, par endroits, au début et à la fin de ma course, je n’étais pas tout à fait seule. Il y avait de loin en loin quelques ados qui se traînaient vers les abribus ; dans la lueur bleutée de leur petit écran, leurs visages paraissaient cadavériques. J’ai refoulé l’envie de leur crier, Regardez, les zombies, levez la tête, avec un point d’exclamation gros comme l’Empire State Building et des ronds de jambes et de bras qui pourraient s’apparenter à une danse. Je fais ce genre de choses parfois, quand les Splendeurs & Merveilles me rendent euphorique, j’ai envie de partager ; je dis aux passants, Si vous allez par là, vous allez voir des phoques (souvenir de Regnéville) ou, cet été, à une dame qui se promenait avec un chien au bord d’un canal : Là, vous voyez ? Il y a un monstre marin. Mais ce matin, je n’ai rien dit aux ados qui regardaient leurs séries et leurs réseaux sociaux débilitants, je les ai laissés à leurs limbes numériques. Parfois, le soir, j’aime aussi aller me promener sous le ciel tourmenté, alors je regarde les nuages noirs défiler devant la lune et photographie des lumières électriques en dripping – le tire de ce billet est un clin d’œil au disque de Dr John, The Night Tripper.