Ce matin, pour épargner mon dos et mes membres inférieurs éprouvés par un excès de course à pied mais aussi pour fêter la fin d’un texte que l’on m’a commandé, sur lequel j’ai passé des semaines très intensives, et enfin dans l’espoir de croiser des hurluberlu.e.s, je me suis octroyé une promenade solitaire sur deux terrils réputés pour être appréciés des sangliers – des gens se plaignent qu’ils viennent sur notre territoire, nos tas de schiste ; sans doute, si des types finis à la pisse venaient les traquer chez eux, ces gens y resteraient-ils ; moi non, je m’enfuirais, donc je comprends les sangliers. J’étais très fière de me promener seule dans leur nouvel habitat sans peur au ventre, je me disais que j’en avais fini avec le traumatisme de la charge. Quelques belles vues des Garennes, à Liévin :


Les fameuses fumerolles, bien visibles sur ce versant épargné par la brume.

Le terril est-il habité ?

Sur la route entre les Garennes à Pinchonvalles, j’ai vu ce héron survoler un champ.

J’approche ici du plateau supérieur de Pinchonvalles. Entre temps, j’ai vu mille merveilles et pris 73 photos mais j’ai décidé que ce billet ne devait en comporter que 13 alors je dois me brider.

Nous voici au sommet,

avec vue sur le bois des Bruyères ; en contrebas, hors cadre, il y a des champs et des champs, jusqu’à la forêt domaniale de Vimy.

C’est le paysage que je contemple quand je fais des pique-niques ici, chaque été, depuis ce promontoire précis. Alors que je m’apprêtais à y faire un pipi nature, ce matin, j’ai tressailli.

Mais qu’est-ce que c’est ? J’ai instantanément oublié ma vessie.

Et quand j’ai regagné le chemin, j’ai constaté : presque tout le plateau supérieur est creusé de boutis – ces trous que les sangliers font avec leur boutoir, en quête de nourriture.

Je m’étais dit quelques minutes plus tôt que j’étais prête à revenir courir ici seule à l’aube mais en fait, je vais attendre encore un peu.

Je me demande quand ils sont venus (les sangliers parcourent une quarantaine de kilomètres par nuit, ce ne sont pas des lapinous sédentaires), combien étaient-ils ? Une harde ? Une compagnie ?

J’avais peur mais, plus encore, j’étais exaltée. Mon amoureuse m’a appelée alors que j’approchais de la sortie ; elle m’a dit, En fait tu as envie d’en voir et j’ai répondu que oui, évidemment : je ne veux pas mourir sans avoir revu de sanglier mais cette fois je veux que ça se passe bien, je veux me réparer du traumatisme et pouvoir de nouveau errer seule en forêt sans être terrifiée au moindre craquement de brindille. Elle a objecté que le risque était réel mais si j’en crois les statistiques, j’ai une chance extrêmement rare d’avoir été chargée par un sanglier, ce genre d’incident n’arrive quasiment jamais. Je veux bien garder cette chance et en même temps m’en réparer. Je crois que mon dernier manuscrit, celui que j’ai fini ce matin avant de filer sur mon vélo, a fait le plus gros du travail – il est dédié à Sus scrofa.