C’est ce que je voudrais pour Noël.
Cette année, j’ai appris à décliner des propositions. J’en ai accepté plus de neuf sur dix mais quand je sentais que c’était trop pour mon équilibre mental, il m’est arrivé de dire non. Ça m’est notamment arrivé quand on me proposait des interventions non rémunérées : je ne suis pas une bénévole, je n’en ai pas les moyens, et ma profession mal considérée n’a pas les moyens qu’on acquiesce à cette vision. Mais ça vous donne de la visibilité, me dit-on parfois – comme si je faisais du porte à porte. J’ai besoin de temps et d’argent alors s’il n’y a pas d’argent, je prends ce qu’il y a, je prends le temps – pas pour regarder des séries, pas pour aller au bistrot ou faire du shopping mais pour écrire. Eh bien c’est très mal perçu et je dois parfois faire face à des reproches ou à des réactions de type bouderie qui, passé un moment d’intense colère, ne font que décupler ma détermination.
Être autrice ne consiste pas à passer ses journées devant un écran puis à prendre un train pour aller animer des ateliers qui paient les pâtes, c’est alimenter l’esprit et pas uniquement le nourrir de livres. C’est sortir, observer, recueillir. Ça prend du temps. On ne joue pas avec mon temps. Mes interlocutrices (uniquement des femmes, btw) objectent souvent qu’elles donnent du leur jusqu’à l’épuisement mais moi je n’ai pas envie de tomber pour la France, ne m’entraînez pas dans votre suicide, laissez-moi tranquille. Et, les filles, à la fin on meurt et une médaille d’employé.e du siècle ne vous upgradera pas dans l’urne ou le cercueil, d’ailleurs personnellement je n’aime pas les médailles, ça me fout le cafard les médailles, les rubans, le bleu blanc rouge.
Cette semaine, alors que je pestais tout particulièrement d’être constamment interrompue dans l’écriture par un afflux de mails, d’appels et de conventions à remplir, le tout en vue de planifier un début d’année qui s’annonce très chargé, un commentaire de Jenny Hval a attiré mon attention sur un article de Pitchfork consacré au surmenage des artistes. Même s’il s’agit de témoignages de musicien.ne.s, je me suis sentie moins seule.
Santigold explique les raisons pour lesquelles elle a annulé toute la tournée de son dernier album : “My body wasn’t getting on that bus. People were like, ‘You need to keep the momentum. You need the social media hits,’ but I was like, ‘I need to stay alive, and my body is telling me that this is dangerous for me.’ There has to be another way, because what I’m not going to do is go out and put myself in a hospital.”
Et Adrianne Lenker dit : “In the past, I’ve received so much praise for my ability to be this machine. But I really believe that, while a career may thrive on taking on more and doing more, art thrives on having the balance of rest and taking care of your internal world and your well being. Rest is more valuable than productivity.”
Yes, sisters, merci.
