Hier, ça faisait deux ans que l’intrépide Dame Sam, ma DS Vénus, ma cocotte chat, était partie s’éteindre dans la bande boisée qui sépare mon jardin de la cour du lycée, après avoir partagé dix-sept ans de ma vie. Deux ans que je ne l’avais pas vue, que je n’avais pas soufflé doucement dans les poils si doux de son ventre pour y faire des flaques de chaleur, que je n’avais pas mordillé ses oreilles, un an qu’elle ne dormait plus sur moi, sur mes genoux quand je travaillais, sur mon ventre ou sur mes jambes quand je dormais aussi, deux ans qu’elle n’avait pas réclamé d’eau, qu’elle n’avait pas boudé, qu’elle n’avait pas miaulé à tout rompre, qu’elle n’avait pas ouvert un placard d’un coup de patte autoritaire, qu’elle n’avait pas posé pour moi, plissant les yeux dans la lumière, deux ans que je ne l’avais pas soulevée pour la faire danser sur l’allegro con brio de la septième de Beethoven. Hier, alors même que j’ai pensé à elle comme chaque jour, je n’ai pas célébré ce triste anniversaire, parce que je n’avais pas conscience d’être le 26 février. Mais les jonquilles que j’ai plantées pour elle l’année dernière ont éclos et, cette nuit, j’ai rêvé d’elle. Alors c’est avec un jour de retard que je plante pour elle dans notre jardin les fleurs d’un nouvel hiver qu’elle n’aura pas connu, en écoutant Venus de Shocking Blue.
