Inquiétant

Je sais bien que ce sera bientôt Halloween mais je n’aimerais pas trop croiser le gars qui a eu l’idée de cette euh, décoration. Si j’étais de la police, avec mon coéquipier, on parlerait dans nos talkie-walkie accrochés au tableau de bord, enfin, vous voyez, les trucs qui font krr-krr, on appellerait des renforts et on irait voir ce qui se passe là-dedans en se couvrant mutuellement avec nos pistolets quand on passerait les portes. Cette maison mise à part, c’est très beau, l’automne à New York mais je ne peux plus voir une citrouille.

Unhappy feet

J’ai croisé quelqu’un que j’aime beaucoup à Columbus Circle et j’ai détourné la tête parce que je me disais, si quiconque me demande How are you ? je pleure, et que ma mission ici consiste à être aussi discrète que possible – je m’en tire remarquablement bien : c’est tout juste si j’existe encore. Merde, c’est quelqu’un que je ne reverrai peut-être jamais ! Abrutie, me suis-je dit (moins poliment). Ce soir, j’ai quitté la répétition sans saluer personne, comme si je devais aller très vite aux cabinets.

Aussi ai-je décidé de déroger à ma règle ici, et d’écouter de la musique au casque, du métro à chez moi : la musique de la ville n’était pas pour moi aujourd’hui. J’ai choisi Captain Beefheart et j’avais envie de danser dans la rue pour me prouver à moi-même que j’ai encore des ressources et des pieds potentiellement joyeux et de la vie cachée derrière le silence.

Captain Beefheart : Tropical Hot Dog Night

Bestiaire de Brookyln (2)

Comme vous et moi, Brooklyn aime les animaux, pas seulement les animaux communs dans les villes, tels que lions, aigles, cygnes ou écureuils. Comme le prolétaire de la métropole lilloise, le Brooklynien aime les chevaux ; comme le bobo de la métropole lilloise, le Brooklynien aime les flamands roses ; mais le chameau, ça, ça vous scotche, hein ?

Quelques précisions au sujet des lions de Brooklyn

Certains lions de Brooklyn sont accablés de fatigue.

Certains sont en colère – c’est plus rare dans la métropole lilloise, si l’on fait exception du terrible fauve de Wattignies (rappelez-vous, ou bien cliquez ici).

D’autres sont heureux et très fiers parce qu’ils ont des maîtres qui les aiment assez pour les peindre et leur offrir la compagnie d’un aigle.

Je précise que les lions sont absents des quartiers chic évoqués plus tôt, Brooklyn Heights ou Dumbo, pour preuve que le lion a bien sa place dans la catégorie Kitsch & Lutte des classes.

Humblement

Ce matin, j’ai couru chez les bourgeois de Brooklyn Heights et Dumbo. Chez moi, 95% de la population est noire, mais là, vous ne croisez que des bobos blancs – papa mal rasé, en bermuda, maman insipide et les quatre enfants : les églises en vomissent des flots ininterrompus sur les trottoirs étroits. Mais c’est beau, fleuri, bien entretenu, et c’est bordé par l’East River, dont on peut longer les berges assez longtemps, admirant la skyline de Manhattan et regardant sous les jupes des ponts – les ponts de Brooklyn, de Manhattan et de Williamsburg, dans l’ordre, du sud au nord (ou de l’ouest à l’est, ça fonctionne aussi). Sans vouloir me faire briller, j’ai bien failli gagner une course à laquelle je n’étais pas inscrite. Je ne cessais de dépasser allégrement des groupes assez denses de joggeurs fluorescents et il a fallu que je voie plusieurs fois des bénévoles en rose indiquer des courbes du chemin pour que je me retourne, intriguée, et m’aperçoive que tous ces coureurs portaient un dossard. Ensuite, j’ai retrouvé mes petites rues désertes et j’étais bien contente.