NPR 103 des joyeuses fêtes

Les joyeuses fêtes ne sont pas joyeuses pour les végétaux, ni pour les animaux non-humains, ni pour les humain-e-s que nous exploitons et qui fabriquent les montagnes d’artefacts dont nous avons besoin pour fêter l’anniversaire de Jésus dans les pays champions de la laïcité tels que Vive la République Vive la France. En fait, rien n’est jamais joyeux pour nos esclaves et possessions. Parfois, je me demande ce que les enfants apprennent sur leurs téléphones, s’ils ne sont pas capables de dire à leurs parents, « Mais enfin, vous n’allez pas tuer un jeune sapin pour m’offrir la magie de Noël ? Je m’en fous, qu’il y ait un sapin dans le salon, l’important c’est que j’aie le Mac-Ceci, l’Apple-Truc ou le Google-Cela ». Que font les jeunes censé-e-s sauver la planète ? N’ont-iels pas encore compris qu’un sapin fonctionnel est un sapin vivant (grave ton nom dessus si tu veux montrer qui est le boss, mais laisse-le t’oxygéner, irremplaçable jeune humain-e) ? Ce matin, j’ai accroché des NPR à des sapins morts municipaux devant une boucherie, devant un hôtel de ville et sur le rond-point d’un Lidl.

oui, c’est flou, il y avait beaucoup de vent et mon appareil est une merde (pourvu que le père Noël m’apporte le dernier iPhone, que je fasse des selfies avec mon pull de Noël moche made in Pakistan, qu’est-ce qu’on s’amuse bien) ; bref, ci-dessus Lidl et ci-dessous c’est le cadavre résineux ligoté à un poteau devant la boucherie (je ne peux me résoudre à mettre une photo de boucherie en ligne)

Et avec ceci ?

NPR 102 des randonneurs en rang d’oignon

J’ai dit depuis longtemps ce que je pensais des aménagements (relativement) récents au terril de Pinchonvalles, je l’ai notamment dit ici et mais surtout ici. Il se trouve que le belvédère qui a le plus attiré mes foudres est devenu l’un des spots préférés du groupe de rando avec lequel j’ai fait une carte sensible de la Souchez ; quand il y a un anniversaire à fêter dans le groupe, on y boit un petit verre de rosé (je dis on mais je n’ai jamais eu l’honneur de ce genre d’événement, on ne me prévient jamais). Ce matin, je pensais bien croiser mes cher.e.s hurluberlu.e.s sur le belvédère ou entre deux panneaux et plots, mais non, alors je leur ai laissé un petit mot en forme de NPR – ça faisait longtemps.

NPR 101 d’écholalie écolo

J’évoquais l’autre jour en famille cette nouveauté des législatives 2022, à savoir le tractage et l’affichage de remerciement post-scrutin : ici, affiches de la première facho de France remerciant les électeurs d’avoir intronisé son poulain, là tracts de l’Union-qui-se-soucie-d’écologie dans toutes les boîtes aux lettres de ma circonscription + des MERCI sur toutes les affiches, y compris sauvages i.e. illégales, soit un double bon exemple pour la population (qui, c’est bien connu, a besoin de modèles sinon de héros). Ce matin, après avoir nourri mes potes canetons, j’ai eu envie d’expliciter un peu ce merci fair-play des losers.

Ce n’est pas moi qui ai bâillonné le monsieur aux bras raides (cf. protestations de mes amies les oies ici en fin de billet), j’ai juste ajouté mon NPR :

« chère concitoyennes, chers concitoyens,
acquis à la cause écolo nous tractons et collons
ce papier si précieux en pleine pénurie pour
vous remercier de ne pas avoir élu notre champion
(voir photo *) c’est important
vive la république vive la circo »

* parmi les éléments de la vie contemporaine qui me font constater la fin de la civilisation, il y a les émoticônes ; sur l’affichette, je me suis amusée à en dessiner une qui envoie un baiser-cœur, elle est très moche et ça me fait tellement rire que j’ai décidé de me lancer prochainement dans une série de NPR qui en useront également. Détail de l’œuvre ci-dessous – admirez son expressivité :

Workshop+NPR 100 de Fatima

C’est un atelier en français mais on dit workshop ; c’est dans mon air du temps. Je vais rencontrer des étudiants en Master de création littéraire (du Havre) et on a rendez-vous, hier matin, à la Maison de la Poésie de Paris. Dans le train, j’écris aux délices de mon cœur, I’m smiling constantly, ce qui me remémore une chanson de Dry Cleaning, c’est donc avec l’album New Long Leg (ça faisait longtemps) que je décide de marcher-danser vers ma destination. Comme j’arrive tôt, j’ai largement le temps de faire un petit détour par le square Montholon pour laisser un mot à ma bienfaitrice Fatima ; appelons-le NPR 100 (101 sera l’occasion de festivités). J’ai préféré écrire son prénom en lettres capitales pour avoir une chance qu’elle le remarque en passant.

Ensuite je bois un café avec Frédéric Forte, le poète / professeur qui m’invite à ce workshop en langue française et c’est super, il a le même rapport que moi à la musique, il connaît même certains groupes de celle qui occupe mes pensées comme le poussin occupe l’œuf (il s’agit d’un poussin qui danse, chante et joue des maracas). Puis je rencontre la quinzaine de jeunes gens qui se sont portés volontaires pour ces trois jours en ma compagnie et nous investissons différentes salles de la MdP. Ci-dessous, les premières découvrent les lieux avec enthousiasme.

Je les verrai une par une + Eliot, au long des deux premiers jours, une demi-heure chacun.e, comme un médecin – oui, une spécialiste de la densité du réel. Ils s’inscrivent ici et moi,

je les reçois dans une loge, que j’ai choisie pour des raisons assez évidentes… Ces jeunes gens sont déjà des écrivains et les questionnements des un.es et des autres sont assez intéressants pour que j’en ressorte enrichie et stimulée. Cependant, il n’est pas si facile d’enchaîner les échanges sur des univers si différents, un peu comme lire des livres à la chaîne quand on fait partie du jury d’un prix littéraire – je parle d’expérience, j’imagine que le quotidien d’un.e éditeur.rice ressemble un peu à ça. Par exemple, je dis à l’une que son texte manque d’ossature et suggère à la suivante de supprimer du sien tout commentaire, Nous te suivrons sans signalétique. Je sors donc ravie mais lessivée de cette première journée.

Je vais boire des verres avec mon amie Maud Thiria. Il y a un lien très particulier entre les poète.sse.s de ma promo à la Factorie ; ce que nous avons vécu était si intense que nous nous connaissons depuis toujours, moins de deux mois plus tard. C’est facile de se retrouver, de reprendre les discussions sans fin, les confidences sans pudeur, les rires spontanés. Nous sommes tellement sympathiques que le serveur nous offre un verre au moment où nous allons partir.

Puis comme tous les soirs depuis une semaine, j’explore le paradis en anglais jusque tard dans la nuit et, ce matin, après trois heures de sommeil, je signale à l’hôtel qu’I can’t find the tea bags, ce qui n’est pas sans m’évoquer mon entrée ridicule, la semaine dernière, dans la boutique d’un opticien qui n’était pas celle où j’avais rendez-vous. Vous avez l’air perdue, a dit le Monsieur tandis que je jaugeais les lieux avec perplexité. Il était temps, a-t-il ajouté. Ce n’est pas ce que vous croyez, cher Monsieur.

NPR 99 d’esclavage

Non, je n’ai pas décidé de reprendre les Nouveaux Processus Réversibles à plein régime. Simplement, ce matin, je courais sur la véloroute qui a vu le plus gros de mon activité poétique in situ l’année dernière et soudain, j’ai vu qu’il y avait un petit mot collé sur un poteau. Quelqu’un avait-il décidé de prendre la relève ? Mais non, c’était juste un autocollant pseudo politique : « RETIRE TON MASQUE / RÉVEILLE-TOI !! / TU ES UN ESCLAVE ?? »

Je ne suis pas pour les restrictions de liberté, non – je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de citoyens qui rêvent d’être privés de leur libre arbitre, en fait. Mais… tout est dans ma réponse, mon NPR le plus bavard ever, je crois bien :

NPR 98 de la notice discrète

Parfois, je m’arrête pour lire les panneaux qui défigurent le paysage ; ils sont souvent agrémentés de documents photographiques qui pourraient laisser penser que l’on va y apprendre quelque chose, ce serait déjà ça, mais c’est très rarement le cas. La plupart du temps, c’est juste de l’auto-promo moche, comme on le constate ci-dessous.

Et quand je dis « discrète », je ne mens pas : voyez comme ce monumental panneau (pour le citer lui-même) s’intègre harmonieusement à la nature.

NPR 97 et 97A de l’escalier

J’ai découvert début mai ce nouveau massacre, perpétré au Val de Souchez en toute impunité. Pourtant, celles et ceux avec qui j’en ai parlé disent voir en cet ‘aménagement’ un gâchis injustifiable. Mais c’est comme ça. Et nous regardons mollement nos congénères supplicier la nature pour leur loisir parce que de toute façon que sommes-nous censés faire ? Nous ficeler à un arbre au cas où il prendrait à un connard à petit pouvoir l’envie subite de l’abattre ? Mais comment choisir notre protégé ? Qui sait qui sera le suivant ? Qui sait quand ?

NPR 97 du pied de l’escalier

espérons que vous appréciez
ce flambant neuf escalier
auquel ont été sacrifiés
tant d’arbres et de terriers

NPR 97A du sommet de l’escalier

les décideurs comme des empereurs
baissent le pouce selon leur caprice
pour que leurs sbires défigurent
ce qu’il reste de la nature

57 mètres : c’est que ‘gagne’ le promeneur (qui, par essence, est venu pour marcher – on peut donc supposer qu’il n’est pas à 57 mètres près). Tandis que des arbres ont perdu la vie et de nombreux lapins leur habitat. Pourquoi ? Pourquoi cet escalier sur lequel sept personnes pourraient passer côte à côte sans se frôler ? Pour un stupide jeu de disc golf qui gâche déjà bien assez le décor ?

NPR 96 et 96A de la société passion signalétique

Ce serait une société spécialisée dans le panneau à vernis écologique et elle s’appellerait Passion Signalétique. On dirait qu’elle ferait sa pub sur les terrils et qu’elle userait de stratégies commerciales contradictoires, celle qui consiste à dire nous/notre et celle, plus démago, qui préfère le vous/votre (Aujourd’hui, profitez des super promos dans votre hypermarché Bidule, voyez ?) Les NPR du jour mêlent ces nous/notre et ces vous/votre de manière quasi schizo.

NPR 96 du gâchis écologique

NPR 96A du panorama plombé

(plombez le panorama
avec nos panneaux en bois)

Ce matin, j’ai eu pour témoin de mes accrochages un chevreuil très sympathique ; hier, au même endroit, j’avais rencontré un faon. C’est ça, la vie sans couvre-feu, on peut se lever tôt pour aller saluer les amis cervidés sans risquer un PV.

NPR 95 de réincarnation

Quand je me suis approchée de ce panneau artisanal pour y scotcher mon QCM, tout à l’heure, j’ai découvert qu’il avait déjà fait l’objet d’un commentaire – il m’a fait sourire et m’a évoqué les usagers de la véloroute qui annotaient autrefois mes NPR (peut-être en sont-ils effectivement les auteur(e)s, j’aime cette idée, je décide d’y croire ; cette année je décide ce à quoi j’ai envie de croire, comme par exemple que Carrie et Ricah sont parties vivre ailleurs et que, là où elles sont, elles sont très heureuses et pincent d’autres mollets que les miens).

Par ailleurs, je pense que je vais bientôt réduire la fréquence des NPR parce que je suis un peu déçue par leur réception. Ils sont désormais systématiquement et presque instantanément vandalisés ou subtilisés, voire mal compris : ce matin, j’ai trouvé les NPR 92 de grande pédestre randonnée dans le même sens que les flèches qu’ils parodiaient. Quelqu’un a dû penser qu’il s’agissait d’un défaut d’accrochage.

Je devrais privilégier une autre forme d’action. Ce matin, j’ai eu la satisfaction de trouver un pont débarrassé de son affichage sauvage pour devinez quel parti politique (à 65 mètres de panneaux électoraux par ailleurs largement inemployés) et j’aime penser que mon mail à la mairie de Lens n’y est pas pour rien parce que ces tronches de nazi(e)s nous narguaient depuis des semaines déjà. J’aime beaucoup la trace de colle, ce long rectangle qui fait un fuck aux fachos.