La bêbête* (1)

Bonjour Monsieur l’agent.

Comment ? Une attestation de quoi ?

Ah ! Vous plaisantez, Monsieur l’agent, c’est bien ça ? Excusez-moi si je manque d’humour, c’est que l’uniforme me rend un peu nerveuse, j’ai toujours l’impression d’avoir cassé un guichet de banque à la hache, que je suis sortie toute nue sur la voie publique par inadvertance ou que les tatouages viennent d’être interdits.

Arrêtez, vous allez finir par me faire peur ! Qu’il est taquin, votre coéquipier, vous ne devez pas vous ennuyer avec lui. Certes, je ne suis pas du tout les infos, Monsieur l’agent, mais s’il y avait un nouveau confinement, je suppose que je l’aurais remarqué…

(Brume sur le canal de Noyelles et le terril 94.)

* J’ignore si l’expression « faire le/la bêbête » est une spécialité régionale ou une expression familière répandue worldwide mais elle est assurément surannée. La dernière fois que je l’ai entendue, dans ma vie antérieure (lilloise), ma voisine pourtant tout juste trentenaire disait à son compagnon que si je lui parlais des facéties de leur chat, elle ferait la bêbête. J’ai surpris cette déclaration parce qu’elle avait une porte poreuse et une voix qui porte et ça m’a beaucoup amusée.

Mon petit frère

Il s’appelle Matthieu Chiarello mais il se fait appeler The Invisible. Il sait faire beaucoup de choses plutôt à la perfection et il est modeste : il se présente comme un One – invisible man band from the middle of nowhere. Il a aussi fait partie de plein de groupes dont l’un des plus en vue s’appelait Wild. Voici son dernier clip, filmé par ma nièce Nina (11 ans).

L’automne à Pinchonvalles

Il y a la splendeur composite du sol, la lumière vaporeuse, le parfum de l’humus. Puis il y a des coups de feu tout proches et trois petits chevreuils traversent la prairie, terrifiés. Je voudrais leur dire de rester ici, en hauteur ; qu’ici, personne n’a le droit de venir les traquer puisque la chasse est interdite sur le terril même et uniquement autorisée en contrebas. Mais je soupçonne que ce type de règles ne pèse pas lourd aux yeux de furoncles capables de tirer sur des êtres si nobles, si gracieux, si touchants aussi avec leur beau petit cul blanc lapinesque.

But I won’t be blue always

Cependant que nous croupissons dedans, dehors tout fout le camp. Le beau château d’eau que vous avez pu admirer ici récemment a enfilé un pyjama bleu layette. J’espère qu’au moins il aura retrouvé ses rayures quand le travail sera terminé. Je me demande si je vivrai assez longtemps pour lui voir d’autres couleurs – le beige et le marron devaient avoir quelques décennies – et pour l’entendre chanter Trouble in Mind.

 

Résistons

Vous avez le devoir de travailler, puis de vous calfeutrer chez vous, autrement dit de vous ranger dans un vestiaire hermétique jusqu’au lendemain, où vous aurez le devoir de travailler, quelques risques que ça vous oblige à prendre. Car on vous menace, si vous ne pédalez pas jusqu’à la mort pour relancer l’économie, de vous sucrer la sécurité sociale et même de vous laisser agoniser sur la bande d’arrêt d’urgence en cas d’accident – la menace est à l’image des mesures imposées, si arbitraire, hypocrite et inepte qu’on ne saurait par quel bout la prendre pour en contester la pertinence. Vous n’osez pas sortir de chez vous pour y pratiquer les autres activités (aussi solitaires et isolées soient-elle) qui font d’ordinaire le sel de votre vie car on (le même on totalitaire) vous menace alors de  punitions dont vous n’auriez pas les moyens (on aime la menace, d’une voix doucereuse). Mais on soigne le lobby des chasseurs alors on accorde aux crevures une dérogation afin qu’ils puissent s’adonner sans entrave à leur loisir sanguinaire, sous les prétextes captieux déjà évoqués ici. Donc non, votre réclusion ne permet pas aux animaux de profiter un peu, pour une fois, des forêts, des prairies et des champs qui leur appartiennent au moins autant qu’à nous. Il existe une pétition contre cette nouvelle abjection, vous pouvez la signer ici. Merci.

Carrie et Ricah organisent une manif. J’y serai. Nous comptons sur vous.

 

Un an au pied du 94

Il y a un peu plus d’un an, je mettais en ligne ma désormais fameuse série de 37 passages à niveau, saluée par la presse internationale. Touchée par vos nombreux mails me réclamant une nouvelle expérience du temps qui passe, j’ai décidé de vous proposer un an (moins deux mois, pour cause de premier confinement, le site étant à 4 km de chez moi – il était d’ailleurs interdit d’accès, on le comprend quand on voit la grande affluence sur les photos ci-dessous) en 23 photos (+ 2 vues satellite + une espèce de planche contact maison) dans ce que j’appelle l’observatoire des oiseaux mais dont le véritable nom est marais de la Galance (à Noyelles-sous-Lens), au pied du terril 94 rebaptisé cette année Arena Terril Trail (où est mon sac vomitoire ?) depuis que des travaux l’ont défiguré : de sauvage, il est devenu top équipé pour toute la famille + les joggeurs qui respirent bruyamment (beurk) et, si j’ai la joie de n’y croiser personne aux heures où je cours et prends ces photos de qualité calamiteuse avec mon téléphone, je déplore qu’un site naguère si lunaire ait été ainsi défiguré. J’ai commencé la série suivante juste après mon emménagement à Lens, à savoir en novembre 2019, mais la première des images en grand format sélectionnées ci-dessous date du 2 décembre. Un montage de petits formats suit en fin de billet.

Vous vous demandez forcément ce qu’est cette espèce d’arbre rouge au sommet du 94. Eh bien c’est, ou plutôt c’était une installation artistique.

Parfois, on ne la voyait pas :

Parfois si.

Puis un jour l’installation n’était plus là et je n’avais pas assisté à son démontage mais, par un hasard assez extraordinaire,

il est en cours sur la vue satellite de Bidule Maps (vous reconnaîtrez à gauche l’observatoire des oiseaux vu du ciel)

en zoomant, on voit clairement l’arbre artistique démembré, très Kinder surprise  :

Quand il pleut,

comme c’était le cas le 19 février quand j’ai amené ici une équipe de télé locale pour un documentaire dont je vous parlerai bientôt,

l’observatoire prend l’eau.

Ci-dessous, la dernière photo que j’aie pu prendre avant que le site ne soit interdit ; c’était le deuxième jour du premier confinement et on avait encore le droit de dépasser le kilomètre pour faire de l’exercice.

Quand j’ai pu revenir, la végétation avait quasi masqué 94.

En arrière-plan, on voit la cabane de mon amie Dinah  (que je présentais ici l’année dernière) et de sa famille ; sur le rebord de l’observatoire, une bande de bad boys d’eau.

Pour être d’une honnêteté sans faille, ce marais sent la vase et il est longé par l’autoroute A21.

Mais ça reste un endroit plein de vie, très joyeux, où les oiseaux d’eau se retrouvent parfois par dizaines ; les stars en sont assurément un héron assez arrogant et un cygne noir à bec rouge très sympathique – on voit ce dernier sur l’image ci-dessous (en bas à droite), prise depuis la berge lapineuse, et l’on aperçoit en arrière-plan Dinah & Cie. J’adore particulièrement assister aux atterrissages tonitruants de certains canards.

Des aubes d’été.

Des aubes d’automne.

Maintenance à la bougie, un matin récent – très tôt.

Brume sur la pâture de Dinah vue depuis le marais, un autre matin tôt.

Mes meilleures amies ont apprécié le site mais préféré les fumerolles sur les terrils 83, 100 et 230 (leurs arbres calcinés, leur roquette sauvage et leur sol bouillotte) qui s’emmêlent à Fouquières-les-lens, 2,5 km plus loin à vol d’oiseau.

Parfois il est si tôt que même le flash de mon téléphone ne suffit pas mais j’aime beaucoup l’effet très fantomatique.

Quelques jours avant le reconfinement, j’ai guidé une rando sur les terrils 94, 83, 100 et 230 pour un groupe de Liévinois masqués, en marge de l’atelier d’écriture en mouvement que je mène avec eux (nous préparons une carte sensible des berges de la Souchez, rivière + canal) et qui, je l’espère, reprendra bien vite.

Si l’autoroute sombrait dans une faille (disons de San Noyellas) (et sans y entraîner avec elle les marais, terrils et canal, merci), j’enregistrerais un extrait de conversation entre oiseaux d’eau pour l’insérer ici. Sans doute le plaisir qu’ont certains de mes congénères à se promener dans des marchés populaires où ça piaille et braille en tous sens a-t-il à voir avec celui que je prends à écouter ces palabres sans fin.

Au retour du cimetière, en ce week-end de Toussaint, mon amour et moi avons salué nos amis les oiseaux d’eau ainsi que Dinah et Carrie, et leur avons dit à bientôt. Je n’attends pas la date anniversaire exacte de cette série pour la mettre en ligne puisque ce site m’est désormais interdit d’accès par des restrictions ineptes.

Des rêves

Cette nuit, j’ai rêvé que je répondais à quelqu’un, « ce serait comme cartographier un paysage nocturne » et je me suis demandé si je tenais là une piste de nouveau projet. Hier, j’ai retrouvé dans mon dossier CASSE (ce dossier où je vais récupérer des petites pièces selon les besoins de mon travail en cours) des poèmes que j’avais écrits en 2017 et 2018 et deux d’entre eux, qui racontaient des rêves, m’ont beaucoup amusée. Le premier (qui ne devait pas beaucoup m’amuser quand je l’ai fait) :

dans mon rêve tu découpais le sol de la ville
avec ses raccords de bitume et ses anfractuosités
en carrés dont la longueur des côtés devait être
un multiple de 13

ensuite un rat me poursuivait dans la rue
il portait un costume de la Saint-Patrick
et je me rappelle t’avoir dit qu’il était aussi gros
qu’un kangourou

puis un ami cher m’annonçait que pendant 13 mois
il ne verrait que trois personnes parmi lesquelles
l’une de celles qui se font un loisir de me haïr
et pas moi

(Sur Internet, les livres sans images n’existent pas aussi voici une photo de moi prise à l’époque où j’ai écrit ces poèmes – pourquoi pas ?)

un extrait du second :

cette nuit j’ai rêvé que je buvais un verre avec
Isabelle Bonat-Luciani et Nathalie Kuperman
nous avions tellement de choses à nous raconter
que nous nous envoyions des sms tout en
parlant – je ne me souviens pas de quoi

Le truc le plus drôle est que j’ai relu ces poèmes en cherchant quelque chose que je souhaitais envoyer à ladite IBL et que, peu après, elle m’envoyait un sms.

/ 3 : Des baies

Ces baies sauvages, vous savez si elles sont comestibles ? Tiens, en arrière-plan on voit le vieux château d’eau so 70s d’Harnes se (faire) refaire une beauté.

/ 3 : Louisiana breakups

Ma chanson de geste paraîtra en mars 2021, comme je viens de l’apprendre. J’ai hâte ! On y entend pas mal de musiques de Louisiane parce que (vous le verrez) la Louisiane et le Pas-de-Calais ont de nombreuses similitudes.  Un certain nombre de ces musiques ont trait à la rupture car le Louisianais se sépare beaucoup. Vous aurez de la rupture des versions cajuns,

zydeco

et rhythm and blues New Orleans.