Colline

Comme moi, Coline, ma jeune narratrice, a horreur des rhétoriques, des slogans et de tout ce qui réduit la complexité de l’expérience terrestre à des formules percutantes ; comme moi, elle a quelques intuitions, beaucoup de doutes et très peu de certitudes (sinon celle que nos luttes ne peuvent être qualifiées d’intersectionnelles si elles laissent de côté la souffrance animale générée par notre civilisation, dont l’horreur est au-delà de tout entendement). Le roman pose un certain nombre de questions sans prétendre y répondre, telles que : Qu’est-ce que vous appelez « empathie » ? Une jeune fille blanche a-t-elle le droit d’avoir une héroïne noire ? Quelles sont les limites de l’appropriation culturelle ? (Dans la fiction, Jamila Woods accueille avec patience et humour la maladresse parfois embarrassante de Coline, mais pour ma part, je n’ai pas de réponse à cette question.) L’amour inconditionnel est-il une négation de son objet ? Quelle est la chair d’une vie de petite ville ? Une communauté a-t-elle besoin d’icônes et de signes distinctifs ? Etc. (Ces questions sont le plus souvent implicites, la littéralité n’étant pas mon truc.)

Si le mois dernier Mme Q. n’avait été témoin d’une scène ordinaire à coup sûr j’aurais tiré un an de plus et laissé Luna continuer de me maltraiter jusqu’à ce que les études nous séparent, qu’elle aille faire son école de commerce privée avec sa queue-de-cheval et que je rencontre à la fac molle des gens de ma trempe sans plan de carrière.

Coline est une lycéenne de milieu populaire vivant dans une ancienne ville minière du Nord de la France. Exposée au flux suffocant des discours stéréotypés, elle trouve refuge sur les terrils ensauvagés près de chez elle. Accompagnée d’un petit chien dans la poche ventrale de sa veste et des chansons de Jamila Woods dans son casque, elle se crée une pensée et un langage magiques pour survivre. Avec ce roman, Fanny Chiarello offre une plongée dans l’esprit et l’humour rageur d’une génération en quête de sens et de beauté.

Parution le 12 mars 2025
Illustration de couverture : Aurélie Taillepied*
130 pages / 130 x 210 mm
18 euros TTC
ISBN 978-2-36624-999-6

* J’ai souhaité confier la couv à Aurélie Taillepied, dont j’admirais depuis longtemps le travail, et je suis très heureuse de ce que le texte lui a inspiré. Vous pouvez découvrir son univers sur Instagram, où elle s’appelle @la_maison_de_logre

Pour l’anecdote :

J’ai écrit Colline presque cinq ans avant sa parution, à la fin de l’été 2020.

L’un des personnages est une personne réelle, la poétesse et chanteuse chicagoane Jamila Woods. Je l’ai rencontrée il y a trois ans, nous étions dans le même hôtel à Barcelone pour le festival Primavera ; je lui ai dit que j’avais fait d’elle un personnage et ça l’a amusée.

Il est surtout question de ses deux premiers albums et particulièrement du second, Legacy! Legacy!

L’hymne de mon personnage, Coline, est Zora :

Elle cite aussi beaucoup Muddy, dont elle repasse toujours 17 fois l’intro avant de l’écouter entièrement:

Le paysage de marais où Coline rencontre Jamila Woods, près du minigolf, est inspiré du Val du Flot, à Wingles, dont voici un aperçu (pas facile de choisir des images alors que j’en ai des centaines de chaque lieu fréquenté par mon personnage…)

La colline du titre est en fait le terril de Pinchonvalles et le coin secret de Coline est mon spot de pique-nique préféré, sur son plateau supérieur

Coline descend ce genre de pente, à la nuit tombée.

J’ai passé en ce lieu l’un de ces moments à la fois simples et lumineux qui ont fait de l’année 2020, si terrible pour beaucoup, l’une des plus belles de ma vie. C’est aussi cet été-là que j’ai commencé à écrire Colline.