L’éternité n’est pas si longue

L’Éternité n’est pas si longue

Éditions de l’Olivier / Points

couv-leternite-nest-pas-si-longue leternite-nest-pas-si-longue-poche

Quatrième de couverture

« Si l’on m’avait dit un jour que la variole viendrait décimer notre espèce, j’aurais certes frémi, mais j’aurais aussi imaginé tout ce qu’un tel événement pouvait apporter à nos sociétés malades, et je me serais trompée : la variole ne nous a pas changés. Il ne se passe rien – des gens meurent par centaines de milliers, mais mourir ce n’est pas quelque chose, au contraire : c’est encore plus de rien. Aucune fraternité, aucun miracle n’est à observer nulle part. Aucune révélation ne soulève jamais aucun de mes semblables et nous sombrons tous dans la médiocrité, dans l’indignité, sans avoir rien abdiqué de nos considérations ineptes, de nos susceptibilités ridicules ni de nos habitudes sans relief. Si je veux dormir dans un monde si décevant, je n’ai d’autre choix que de me raconter des histoires comme si j’étais mon propre enfant. »

L’éternité n’est pas si longue ne raconte pas la fin de l’espèce humaine mais celle d’un de ses plus originaux spécimens, Nora, une jeune femme à l’humour fulgurant et au fort penchant mélancolique. Elle qui, après avoir miraculeusement échappé à la mort, reprochait à ses proches amis de ne pas vivre comme s’ils allaient mourir un jour doit soudain réinventer son existence. »

Notes de l’auteur

1. Slogan

Dans L’Éternité n’est pas si longue, la variole n’est pas une forme de science-fiction ou d’anticipation, mais une allégorie. La variole dont je veux parler est à l’œuvre tout autour de nous, nous l’acceptons mollement ou la combattons vainement, mais sans répit elle corrompt ce que nous avons de plus précieux en nous : notre humanité même, et notre conscience.

La variole que je décris, c’est le capitalisme, la mondialisation, le consumérisme, l’individualisme, l’acceptation de l’esclavage moderne et la soumission à de pseudo impératifs économiques, la sujétion à la voiture et au pétrole,

la variole, c’est dire : quand je rentre du travail j’ai besoin de me vider la tête, c’est donc allumer la télévision, et au final ne plus jamais réfléchir, c’est regarder la télévision et croire à ce qu’elle nous dit, c’est accepter l’offre marketing et perdre toute forme de curiosité, c’est la pensée unique, la paresse intellectuelle, c’est le culte de héros sans étoffe ni talent,

la variole, c’est se dire je ne vois pas pourquoi je ne ferais pas ça alors que d’autres ne s’en privent pas, c’est se dire après nous le déluge, c’est prendre ses créances personnelles pour des normes universelles,

la variole, c’est l’indifférence, l’égoïsme, c’est ne jamais penser à ceux qui dorment dehors quand il neige, c’est parler de pertes humaines en termes numériques,

la variole, c’est le réchauffement climatique, l’élevage intensif, c’est Fukushima, c’est modifier génétiquement un porc pour qu’il soit plus facile à découper,

la variole, c’est revendre ses cadeaux de Noël sur Internet la nuit du 25 au 26 décembre, c’est toujours vouloir la dernière version du dernier gadget technologique à la mode, c’est jeter plutôt que de réparer, c’est subir le désir comme une lobotomie,

la variole, c’est l’argent, c’est subordonner à l’argent l’honnêteté dans le travail et le rapport à autrui, c’est estimer ses propres besoins à son aune,

la variole, c’est le culte de l’apparence, le culte de la jeunesse et de la précocité, c’est le manque de considération pour les aînés,

la variole, c’est le présupposé que l’espèce humaine est naturellement dominante et qu’elle peut donc se permettre d’exploiter et de manger les autres espèces,

la variole, c’est oublier que l’on va mourir et vivre sa vie entière dans cette cécité-là.

2. Soundtrack

Le titre du roman vient de My own private disco, une chanson du groupe Help ! She Can’t Swim :

« I wouldn’t care if you were / The only one I saw / Cos’ I hate other people / I’m sick of being bored / Let’s just sleep forever / forever’s not that long ». C’est bien cela : forever’s not that long.

Nora, ma narratrice, écoute cette chanson et en commente les paroles vers la fin du roman ; dans ce passage, une radio continue de diffuser des musiques éclectiques alors que toutes les autres ont cessé d’émettre (l’humanité vit ses derniers instants) :

Robert Wyatt : Alifib

Fred Astaire : Top hat, white tie And tails

Einstürzende Neubauten : Halber Mensch

Marni Nixon : I could have danced all night