Ouah

Hier soir, j’ai lu L’appel de la forêt, à contrecœur puisque j’ai d’habitude pour principe de contourner les supposés incontournables. Mais, parce que depuis quelque temps ma thématique principale est la dichotomie civilisation / sauvagerie, parce qu’elle m’a amenée à me pencher sur la zoopoétique et les diverses tentatives littéraires d’adopter le point de vue de l’animal (quitte à me taper des essais pas toujours exactement funky à ce propos), je me suis forcée à lire ce roman dont le personnage principal est un chien. Je l’avais acheté en même temps qu’une pile d’autres livres et, une fois les autres lus, il a bien fallu m’y coller.

Eh bien c’était à peu près ce à quoi je m’attendais : une leçon de vie anthropomorphiste et virile. Parfois, les descriptions de douleurs physiques infligées aux animaux et plus spécifiquement les scènes de cruauté gratuite m’ont donné la nausée. Je me suis dit que je tirerais sans doute plus de choses intéressantes de la postface mais son plat ramassis d’imbécillités m’a rappelé la fac et perdue en trois pages.

J’ai éteint la lumière assez agacée. Puis j’ai rêvé que je poursuivais la lecture et qu’après cette postface académique super sopo, il y en avait une autre, une post-postface intitulée Une autre lecture possible, et le sous-titre avait à voir avec l’usurpation de la parole animale dans la littérature classique mais je ne me rappelle pas comment il était formulé. Le rêvé était si concret, si plausible, il résonnait de manière si immédiate à ma lecture que j’ai vérifié dans le livre qu’il s’agissait bien d’un rêve. Oui.

(J’ai pris ces chiens en photo sur des façades de maisons à Rouvroy, Lomme et Faches-Thumesnil)

qui ne dort jamais

Mon amoureuse vient de passer trois jours à New York, où elle a joué au Lincoln Center avec quelques camarades. Hier soir, elle avait quartier libre et se demandait quel concert aller voir. Il y a trop de choix, m’a-t-elle dit. Je sais ce que c’est : New York, New York n’est pas la seule ville qui ne dorme jamais, pour citer Sinatra (que mon amoureuse exècre). Ici même, des choix douloureux nous compliquent beaucoup la vie : ce n’est pas facile de renoncer aux festivités de Bruay-la-Buissière pour rejoindre la procession de la Sainte-Barbe à Liévin mais on ne peut pas être partout. Et je me rends compte ce matin, alors que je cours à Vendin-le-Vieil, que je rate bien d’autres festivités encore. New York, tsss. Surfait.

Eupen

Ce week-end à Eupen, près de Liège, il y avait le festival Meakusma. Ma chérie a fait danser une foule très dense, dont Delphine Dora et moi au premier rang. Nous avons retrouvé des ami.e.s et assisté à de très chouettes concerts, notamment ceux de Delphine et du duo Lilly Joel, sur l’orgue de l’église. Audrey Chen et James K (qui est une femme) étaient chouettes aussi. Et puis il y avait la forêt, le barrage et le lac ; je suis très fière de mon élève Valentina (puisque, je le rappelle, je suis son coach sportif) qui a marché jusque là sans jamais se plaindre. La première photo ci-dessous est d’elle (bien plus réussie que les miennes). Donc voici le barrage, construit en 1950, très classe.

Ses poubelles colorées doivent plutôt dater des années 70.

De l’autre côté, le lac où j’espérais me baigner n’était pas très engageant, d’ailleurs aucun oiseau d’eau ne semble y vivre – tristesse… Je l’ai quand même trouvé très beau.

Les ascenseurs du barrage ressemblent à ça.

Mais nous, nous avons pris l’escalier, nous sommes passées devant une guérite,

un panneau très élégant,

et nous avons vu l’envers du décor.

Comme sur les terrils, il y a des escaliers dont on se demande quelle est la fonction au juste et, bien sûr, ce sont mes préférés. Ici, mon trésor se repose une minute sur une marche gratuite au pied de l’imposant ouvrage.

Là, nous quittons la forêt pour regagner la civilisation belge,

ses cygnes

et ses Jésus (beaucoup de Jésus) abrités sous des petits toits (certains sont juste des triangles en alu comme sur les boîtes aux lettres mais j’ai choisi de vous en montrer un plus euh, flamand).

19

L’été s’achève. Les cinq romans de la rentrée font du tintamarre (une librairie indépendante lilloise consacre toute une vitrine à un seul d’entre eux, dont elle expose une trentaine d’exemplaires – un livre qui se vendrait aussi bien si l’audacieuse équipe en cachait ses piles sous des bâches), les profs prennent un Xanax, les chasseurs lustrent leurs fusils (qu’ils s’auto-régulent et s’entre-tuent) mais je ne veux pas. Je veux poursuivre l’été, je veux le rembobiner pour sauver des canetons par des moyens pas très légaux (mais parfois la justice n’est pas légale) plutôt que d’attendre quoi que ce soit des humains et de leurs institutions, je veux rester en demi-vacances et continuer de rouler soixante kilomètres à vélo tous les matins, je veux la rassurante proximité des animaux. Hier j’étais si déprimée de me sentir hors-humanité avec mon empathie peu partagée que j’ai traversé une forêt sans peur, je souhaitais les sangliers, je pouvais déjà presque les voir surgir – mais toujours pas. Quelles sont les probabilités qu’une même personne soit chargée deux fois dans sa vie par un sanglier ? je me suis demandé, puis j’ai regardé autour de moi, compté les humains et admis qu’il y avait effectivement des probabilités pour que ça se produise. Je me suis rappelé la première fois que je me suis aventurée dans la forêt de Phalempin, il y a quelques années ; j’avais la crainte des sangliers, déjà, et plus tard j’en ai souri, me disant que c’était bien une crainte de citadine, et c’est pourquoi j’ai ensuite agi de manière inconsidérée (pour répondre à la question amusée de mon amie Marie-Thérèse, « Qu’est-ce que tu fais dans une forêt par une aube brumeuse ? ») mais des dizaines de fois je l’ai fait sans conséquence autre que de me sentir faire partie de la faune sauvage et d’en éprouver un bonheur profond, intense, inégalable – dans la forêt la vie n’a pas besoin d’avoir un sens, tout est là. (Je rêverais de me réincarner en sanglier, n’étaient les chasseurs, ces raclures de fosse septique.)

Voici 19 photos prises la semaine dernière au cours de mes virées cyclistes.

Une aube nuageuse dans les champs, quelque part entre Haisnes et Loos-en-Gohelle ; au loin très loin, le terril d’Harnes.

Il y a les levers de soleil vus depuis les champs

(ici, en zoomant beaucoup, depuis les mêmes champs – des dizaines de kilomètres de sentiers champêtres enchâssés à des cavaliers

où l’on pourrait rouler des heures, hésitant constamment à des embranchements pleins de promesses – au loin : des bosquets, des cimetières militaires, des horizons infinis), d’autres sur les canaux (ici, sur la Deûle, juste après sa confluence avec la Souchez,

là sur le canal d’Aire mais c’est un lever pudique voilé de brume).

Parfois aussi, il y a de la route pure, du bitume sur lequel on file et le son des pneus sur le sol n’est plus granuleux, composite mais un frottement vif et continu, pour gagner vite d’autres sites où sinuer lentement dans les craquements, bruissements, crépitements. Sur ces grands axes, des fantômes de la vie pré-autoroutière m’émeuvent. Ainsi cette borne marquant la frontière entre Nord et Pas-de-Calais, à Courcelles-les-Lens,

ou ce relais routier quasi américain (dans la région, on ne compte pas les bouis-bouis dont le nom et/ou la déco comportent le motif de la Route 66),

car comme je l’écrivais dans La geste permanente de Gentil-Coeur, le bassin minier des Hauts-de-France se situe au sud des États-Unis ; pas besoin d’empreinte carbone pour aller au Texas, il suffit d’aller à Oignies :

Plus loin, après un passage à niveau de campagne qui était le prétexte de ma virée hier, du moins le point qui m’a décidée à partir vers l’est quand je suis montée sur mon vélo – la suite serait purement de l’impro – j’ai photographié ce ciel qui s’ouvrait sur le terril d’Ostricourt et c’est ensuite que j’ai traversé la forêt.

Le seul panneau qui m’ait fait changer de chemin dans la forêt était assez original, je n’en avais encore jamais croisé de tel (je passe souvent, en revanche, des panneaux annonçant des risques chimiques) : Danger zone pyrotechnique. Étonnant.

Ici, à Courcelles, un cormoran guette le passage d’une péniche pour s’engouffrer dans son sillage – on voit souvent des cormorans voler à la suite des péniches pendant quelques centaines de mètres puis ils reviennent à leur perchoir habituel (ceux-ci – il y en avait trois – n’étaient pas en hauteur, bizarrement).

Un autre matin, un autre chemin de halage, d’autres oiseaux d’eau. Une photo d’automne prise un matin d’été où je portais un short, un coupe-vent, des gants et une écharpe et au fil des heures me suis retrouvée en T-shirt et ruisselante.

Ces pylônes sont parmi mes préférés ; ils ne grésillent pas comme les traditionnels et c’est moins effrayant de rouler sous leurs lignes.

Les marais d’Annequin, tôt le matin : image et son – les oiseaux font de la techno.

La vue depuis le terril 115 dit du Téléphérique de Libercourt, où je n’étais pas retournée depuis la disparition de Dame Sam, c’était bouleversant mais nécessaire. J’aime ces strates de paysages, on dirait presque un collage.

Il ne faut pas négliger la capacité qu’a le territoire à tirer des sourires attendris dans le registre K&LC – qu’il s’agisse d’art municipal, comme ici à Libercourt toujours,

ou d’art de jardin, comme ici à Sains-en-Gohelle, avec cet estuaire en trompe-l’œil que jouxte un véritable ruisseau (il coule de la fausse grotte à droite jusque dans un bassin, car il n’y a pas de sécheresse qui tienne quand il s’agit d’abreuver le rêve).

Il y a aussi les travées fantômes des anciens cavaliers, ces palimpsestes protéiformes – ici à Courrières, vers le pont rouillé près de la confluence.

Et pour finir, il y a (beaucoup) l’invasion de la campagne par des zones industrielles en perpétuelle expansion – palimpsestes futurs, et billet à venir, dont voici un teaser très graphique.

Marie-Jo et Monique

Depuis longtemps, chaque fois que je passais dans une certaine rue de Grenay, je contemplais deux jardins dont les décorations me semblaient relever de l’art brut. Dans le cadre de ma collaboration avec un compositeur lillois (+ un poète + un ensemble vocal, etc.), j’ai osé contacter les habitant.e.s des maisons concernées ; j’ai trouvé leur numéro dans les pages blanches et rendez-vous a été pris pour le lendemain (c’était avant-hier) chez Marie-Jo, avec sa voisine Monique, puisque ces deux artistes sont des femmes – dans la page que L’Inventaire général du patrimoine culturel consacre aux Jardins étonnants en Nord-Pas-de-Calais, on ne trouve strictement que des hommes.

J’ai donc eu l’occasion de discuter des techniques et inspirations de ces dames mais aussi de leur vie et de leur vision du bassin minier. Mini extrait :

J’ai été très bien accueillie, comme on peut le voir ci-dessous – Marie-Jo me montrait ses œuvres d’intérieur.

J’ai aussi rencontré en elles de sacrés personnages : écoutons Marie-Jo écourter une discussion téléphonique indésirable.

J’ai passé deux heures avec ces dames et je ne me suis vraiment pas ennuyée… J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à tirer un long poème de cette conversation et maintenant j’ai un peu le trac : que vont-elles en penser ? La réponse la semaine prochaine, quand je leur en apporterai une impression, rendrai sa crème cicatrisante magique à Marie-Jo (qui a eu pitié de mon coude marqué par une chute fracassante tandis que je courais à Londres au bord d’un canal) et recevrai l’arbre à perles qu’elle a commencé pour moi.

53/13

Ce matin, l’inspiration de mes jambes nous a mené.e.s dans les Weppes, Mon Bolide et moi. Je l’appelle de nouveau MB parce que je suis très contente de lui, il n’a pas crevé depuis des semaines alors même que je n’ai pas changé son pneu arrière, dont une micro-fissure semblait aspirer les bris de verre, épines et graviers pour les ficher dans la chambre à air, mais seulement posé une rustine à l’intérieur, sur l’épais caoutchouc rugueux. Un monsieur m’a recommandé ça dans un tuto et ça fonctionne bien. Parmi les Splendeurs & Merveilles du jour, un /3 interne de tas,

le premier à 6h30 du matin avec le 11/19 en fond

le second trois heures plus tard

et le troisième, vers 10h, avec château d’eau en arrière-plan,

tout comme ici, vers la fin de ma virée, le château d’eau d’Annay (Jock-a-mo fee-no ai na-ney) se détachant sur le terril d’Harnes (Jock-a-mo fee na-ey)

Oui, j’étais aux USA, ce matin

je me suis dit, pourquoi rêver de L.A. quand on peut être à Illies? et je jure que si on m’avait demandé de choisir, je serais restée exactement où j’étais, au milieu des champs et des bois silencieux

et quand j’ai décidé d’écouter de la musique, à Herlies (in the morning), j’ai opté pour Shannon & The Clams (Year Of The Spider) et Big Thief (Dragon New Warm Mountain I Believe In You), je tapotais sur mon guidon à peu près en rythme et c’était comme si j’avais baissé les vitres

et les bornes kilométriques étaient aussi big que le big time que je vivais en selle

J’ai fait un crochet par Marquillies, que j’avais envie de découvrir depuis longtemps et j’ai beaucoup aimé ce village – je l’ai trouvé renversant par endroits

au point de prendre une photo de R&V, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps; de même, un UR&K : devinez qui priait dans sa petite chapelle ?

ce matin, sur la Deûle, il y avait un festival féministe (genre Michfest, pour rester aux USA) ; outre le rassemblement ci-dessous, je n’ai vu que des groupes de cannes se diriger toutes dans la même direction (vers Don)

regardez un peu cette bombasse – où sont ses enfants, pendant qu’elle fait sa belle sur le canal ?

sous une glissière de sécurité, livrés à eux-mêmes. Amusez-vous bien, les filles !

le petit monsieur

Il n’y avait pas que tonton Joël, hier à Croix (pardon, j’oubliais de préciser que Monsieur Loyal entrait dans la catégorie de ce que mes meilleures amies et moi appelons l’oncle Joël, archétype que l’on rencontre particulièrement dans les mariages mais aussi dans d’autres circonstances telles que JO de collégiens, arbres de Noël de comité d’entreprise ou encore clubs de vacances), il y avait aussi le petit Monsieur. Dialogue :

– C’est possible d’avoir le livre ? me demande une dame. Je suis une élue de la ville.
– Il vous faut combien d’exemplaires ?
– Deux : un pour moi et un pour le petit monsieur.

(L’élue désigne un homme en costume gris avec cravate, plus tout jeune, qui se tient quelques mètres plus loin sur la pelouse en plastique et qui a l’air de vouloir disparaître dans son propre nez.)

– Combien ? me demande Agnès, penchée sur les cartons que nous sommes en train de remballer car tout ceci se déroule après les discours.
– Deux, je dis à la volée : un pour Madame et un pour le Petit Monsieur.

L’expression petit monsieur m’a rappelé des souvenirs d’hôpitaux et aussi cette photo que j’ai prise en 2012.

/ 3 : cercle et triangle

Aujourd’hui, j’ai eu une mauvaise et une bonne nouvelles. La mauvaise nouvelle est éditoriale. La bonne, c’est que j’ai la plus merveilleuse petite amie au monde : celle qui prend le temps de m’appeler avant de monter sur scène pour me dire que tout ira bien, qui trouve les mots pour me faire rire quand je pourrais pleurer, qui me montre que tout est possible quand je pourrais céder au découragement, qui m’ouvre de nouvelles perspectives, qui dit nous plutôt que de me laisser seule face à mes questionnements. Sa voix a redéployé autour de moi tout ce qui dans ma vie d’autrice n’est pas ce refus inattendu, ses mots m’ont rappelé les belles choses qui s’annoncent et qu’un instant, ce refus a failli m’occulter. J’ai de la chance. Je préfère un milliard de fois ma bonne nouvelle du jour à ce qu’aurait été la mauvaise si elle avait été bonne. Je crois à ce que la mauvaise nouvelle me dit tout autant qu’aux promesses de la bonne nouvelle : il y a une place pour moi, qu’il m’appartient de définir ; essayer de faire entrer mon cercle dans un triangle ne m’apporterait pas grand chose. Tout va très bien dans l’arrière-monde.

Mai,

c’est bientôt fini. On dit En mai fais ce qu’il te plaît ; moi, ce qui me plaît, c’est de mettre des gants fourrés (100% vegan) pour faire du vélo à 5h30, à trois jours de juin. Ce matin, j’ai parcouru 60 km, bien plus à la campagne que sur la route de Bruay, jeudi qui était férié. J’ai vu des dizaines de lièvres, de faisans et même un chevreuil, à l’entrée d’Annequin – c’était un mâle, il n’était pas ravi de me voir surgir et a bondi dans les bois en aboyant. Voici quelques ami.e.s qui, ielles, ont accepté de poser pour moi.

D’abord un lièvre de Vendin-le-Vieil

un faisan d’Annequin et ses petits

un canard de barbarie domicilié à Beuvry

sa voisine foulque macroule, qui s’est fait un nid de princesse

des enfants foulques sur le canal d’Aire

des grenouilles à Hantay (j’en ai sélectionné trois, de couleurs différentes, parmi toutes celles qui ont accepté de poser, j’espère ne vexer personne)

Je n’ai pas vu que des animaux, j’ai aussi vu de beaux paysages, bois, marais, champs, prairies, et même un sous-marin (encore lui) dans le lointain, depuis Cuinchy

j’ai vu des choses attendrissantes (j’évoquais déjà ici la précédente édition de cette expo qui se tient à Auchy-les-Mines)

et enfin, j’ai vu des choses amusantes, comme ce goût du faste (appelons-le K&LC) partagé par deux voisins, à Beuvry : ils ont exactement la même maison, la même voiture et les mêmes palmiers ; j’aurais aimé les voir, eux

J’ai relevé de nombreux Chalets miniers, notamment à Festubert – où il n’y a pas un seul magasin de farces et attrapes et où la boulangerie était fermée (j’en ai donc testé une de La Bassée, excellente).

Des majorettes en vrai

D’abord j’ai cru qu’il se passait quelque chose de grave et que je n’étais pas au courant – pour tout dire, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une alerte nucléaire. Si peu de circulation et tant de magasins fermés un jeudi à 11h30. Ce n’est pas comme si je pensais à Jésus tous les jours alors si personne ne me prévient… Je me disais que c’était une drôle d’idée d’organiser la journée d’ouverture de Vacances à Gardincour un jeudi – pour celles et ceux qui ne sont pas d’ici, Gardincour est une destination très prisée dans le bassin minier quand on est fauché : gardin (jardin)-cour – mais je me disais que la Cité des Électriciens savait ce qu’elle faisait, après tout il y avait du monde pour ma lecture, un samedi après-midi ensoleillé, je n’y avais pas cru une seconde. J’ai affronté les dénivelés + le vent furieux en face pendant 25 km, avec une pause pique-nique sur le terril d’Hersin-Coupigny, je m’étais préparé de délicieux sandwiches vegan. Si je n’étais pas vegan, je n’aurais rien préparé du tout et je n’aurais pas pu m’alimenter parce que, sur ma route, tous les commerces fêtaient l’Ascension de J-C, même la super boulangerie d’Hersin. Le véganisme est le salut, pour qui en douterait encore.

En chemin, j’ai emprunté quelques anciens cavaliers miniers

trop confidentiels pour être pollués par la signalétique vue cette semaine à Noyelles.

Je suis passée au pied de nombreux terrils : j’ai frôlé le 11-19 à Loos, le sous-marin de Grenay, le petit tas foisonnant de Barlin dans sa nuée de papillons, les terrils d’Haillicourt, d’abord celui que ses vignes ont rendu célèbre et sur lequel vit un troupeau de chèvres, que l’on devine sur la photo pas très nette ci-dessous

(ici le même vu depuis Bruay-la-Buissière) ;

les terrils jumeaux des Falandes et du Pays à Part, toujours à Haillicourt ;

le terril 10 de Bruay-la-Buissière, super chou.

J’ai visité les nouvelles expos de la Cité des Électriciens et une fois encore admiré leur qualité mais aussi leur esprit : elles sont à la fois drôles et tendres, émouvantes, contemporaines, mêlent volontiers création artistique et objets du quotidien – dans la partie dédiée au thème des vacances, des cartes postales et dessins des années 50 à la gloire de la Napoule, des serviettes de bain, des photos. J’ai été particulièrement saisie par une toile que l’on aurait vraiment dite de Dufy (je tâcherai de savoir à qui on la doit et d’en obtenir une photo moins pourrie que la mienne) mais aussi, tout bêtement, par ce numéro historique de La Voix du Nord annonçant la fermeture du dernier puits de mine en 1990 – pour preuve que je suis vraiment d’ici : je doute que les visiteurs lillois aient trouvé cette une un tant soit peu poignante.

Parmi les fascinantes archives photographiques, j’ai notamment apprécié celles du bien nommé Jean-Philippe Charbonnier, notamment celle-ci (j’adore les scènes de films et les photos montrant des femmes qui étendent du linge dans le vent – c’est assez spécifique, je sais).

Celle-ci, aussi, plus ancienne et qui illustre une question qui sera forcément évoquée au Biglemoi le 17 juin lors de ma rencontre avec Yannick Kujawa, celle de la répression ultra violente des mouvements sociaux dans les cités minières. Les cités étaient sous la garde de matons et des grilles permettaient de les fermer en cas de soulèvement : un habitat prison. On trouve des documents très intéressants à ce sujet dans les archives de l’Ina.

Et puis le défilé s’est mis en route, sans une minute de retard, géants de tout partout et bleus de travail, fanfare et…

majorettes car oui, le Pas-de-Calais sera toujours une terre de majorettes – comme le stipulent les statuts d’un club (je ne sais plus lequel, j’ai épluché les statuts de tous les clubs de majorettes et de twirling bâton du département pour écrire mon poème). Ici, le club d’Auchel. Il y a même, vous le voyez, un majoret (lâche pas la patate, poussin).

Encore un excellent moment à la Cité des Électriciens, je suis vraiment très fan – et l’équipe est adorable. Allez-y…