Je respire discrètement par le nez

Je respire discrètement par le nez

Éditions Les Carnets du Dessert de Lune

lenez

Quatrième de couverture

« Le petit appartement que j’occupe de 2005 à 2007, au deuxième étage du 34 bis, dispose d’une cuisine, de toilettes séparées, d’une salle de bains et d’une chambre qui fait également office de salon, de bibliothèque, de studio et de bureau. Rien n’indique à première vue qu’il s’agisse d’un zeppelin et pourtant c’est bel et bien ce qu’il est : un zeppelin, déguisé en F1 bis de 36 m², incognito. Il flotte sur la petite ville, sur le bois et le canal. À son bord, j’écris un roman intitulé Le Zeppelin ; parallèlement, je tiens un journal qui pourrait s’appeler Journal du Zeppelin (2005-2007), mais non, il s’appelle Je respire discrètement par le nez. Le journal est la fourchette et Le zeppelin est le couteau. Le journal picore la petite ville et Le Zeppelin la taille en pièces. Leurs premiers mots à tous deux ont été griffonnés sur le bail du 34 bis, ainsi que mon nom, comme sur la couverture d’un livre mais tout en bas. Quant au point final du Zeppelin, il met un terme à la discrétion nasale et résilie le bail. Il préside au décollage, avec fanfare et majorettes ; le magnum de champagne rebondit sur la toile, cinq fois, avant de regagner son pyjama. »

Notes de l’auteur

1. Une photo de mon ami Harold, dont il est souvent question dans le recueil :

harold

2. Deux chutes :

J’ai renoncé à intégrer la première dans le recueil parce qu’il m’aurait fallu la remettre en contexte ; ici, je peux bien le faire. C’était la grande époque de MSN Messenger, avant les réseaux sociaux ; Dancing Chicken et Sean Mondino étaient des figurines en plastique – j’ai toujours le premier, qui trône en bonne place sur mon bureau, et qui toujours m’évoque cet extrait de Stroszek, le film de Werner Herzog :

En 2006, je m’identifiais au poulet…

« Sean Mondino et Dancing Chicken au bord de l’eau

seanetchicken

– J’aime bien, le bord de l’eau, dit Sean Mondino.
– J’espère seulement que personne ne nous attend sur msn, dit Dancing Chicken.
– Il devrait y avoir un statut « Au bord de l’eau », acquiesce Sean Mondino.
– « Sean Mondino risque de ne pas vous répondre parce que son statut est Au bord de l’eau », dit Dancing Chicken.
– Ah ah ah ah ah, rit Sean Mondino.
– Ah ah ah ah ah, rit Dancing Chicken.
Comme des bossus en plastique. »

La seconde chute est une série de phrases dites « hors contexte » (telles que mes personnages en repèrent dans le chapitre du Zeppelin intitulé La lumière, poupée, c’est de l’amour). À l’époque, j’aimais relever des phrases de ce genre, des phrases qui, sorties de leur contexte, n’avaient aucun sens ou paraissaient totalement loufoques ; elles m’amusaient beaucoup, et me fascinaient car elles me semblaient prouver que la compréhension de base entre êtres humains pouvait transcender le langage. Un jour, j’ai cessé de les remarquer, je le déplore ; j’estime que ma vie en est appauvrie.

« R – Tu as froid, Fanny ?
F – Non, on va au 8 à Huit.
R – Ah, ok.
*
Se – Hi hi !
F – Faut être con, je te jure.
Se – Et longtemps ? Si tu dis oui, je me fais pipi dessus.
*
Se – C’est quoi, c’est Noël ?
H – Non, c’est un sac écologique.
*
Se – Ben qu’est-ce qu’il s’est passé ?
F – Ben rien.
So – Ben alors ?
F – Ben justement…
*
H – On met souvent des petits pieds aux choses qui ne servent pas.
*
So2 – Les grandes cuillers, si je comprends bien, c’est les guitares ?
F – Non, les grandes cuillers sont les grandes cuillers.
*
Se – Plus je suis insatisfaite, plus j’en remets.
*
H – Ce n’est pas parce qu’on se met sur le ventre qu’on ne veut plus parler aux gens.
*
Spécial Berlin :
L – Attention, il y a des petits marrons.
F – Parfois je m’amuse tellement que j’ai chaud dans mes pantoufles.
O – Alors elle, dans sa fraise, elle me tue.
So – Je n’arrête pas de buter sur Lénine.
F – C’est parce que Karl Marx prend toute la lumière. »

3. M’entendant me moucher, une de mes petites amoureuses s’étonna un jour de ce que ma bibliographie pût comporter un titre tel que Je respire discrètement par le nez. Ce titre a longtemps été celui de mon blog – ce qu’il conviendrait plus exactement d’appeler mon journal, dont il se trouve qu’il était en ligne, journal dont sont tirés la plupart des textes qui composent le recueil (après sérieux élagage, nouveaux agencements et autres corrections). La phrase n’est pas de moi mais d’une jeune femme que je côtoyais alors – elle est d’ailleurs citée dans le recueil : « j’ai une amie qui a deux cochons dans son jardin / (elle dit, c’est pour les aimer, comme des enfants) ». C’est à elle, Ingrid, la fille aux deux cochons, que je dois donc mon titre. Un soir, nous avons eu cette discussion :

– Ingrid, comment fais-tu pour avoir un tel débit de paroles ? Tu ne t’asphyxies jamais ?
– Non, non, j’ai un système de respiration circulaire, tu vois ? Je parle et, en même temps, je respire par le nez, discrètement.

4. Sélection musicale commune au Zeppelin et à Je respire discrètement par le nez (2005-2006) :

Albums

GOMM : Destroyed to perfection ; 4
Dionysos : Haïku ; Western sous la neige ; Monsters in love
Kate Bush : The whole story
The Film : The Film
Arcade Fire : Funeral
PJ Harvey : Uh Uh Her
Ciccone Youth (alias Sonic Youth) : The Whitey album
Sonic Youth : Sonic nurse
Coco Rosie : La Maison de mon rêve ; Noah’s ark
Calexico : Hot rail ; Feast of wire
Devendra Banhart : Rejoincing in the hands
Spleen : She was a girl
Tindersticks : Curtains ; Tindersticks ; Tindersticks II ; Trouble every day

Chansons

Wir Sind Helden : Von hier an blind
Kimya Dawson : I will never forget
Françoiz Breut : Ciudad del mar
The Magic Numbers : Forever Lost
Joan As Police Woman : My gurl

En écoute :

GOMM : Karl Heinz Mücke

Wir Sind Helden : Von hier and blind

Joan As Police Woman : My Gurl

Kate Bush : Cloudbusting