Le 26 avril 2021 (au moment où je vivais ce que raconte L’Évaporée + la perte de Dame Sam et des incertitudes éditoriales, le tout isolée en plein confinement < 10 km autour du domicile bla bla), j’écrivais ceci : « Depuis des jours, mes membres sont contractés comme si j’étais restée bloquée en faisant du rameur ; par exemple, je suis assise à mon bureau et je me rends compte que seul mon coccyx est en contact avec la chaise, le reste est en suspens, ou alors je lis dans mon lit et je me rends compte que j’ai mal aux abdos – le rameur. Je m’oblige à me détendre, me concentre jusqu’à sentir mes membres en contact avec des surfaces, mais quelques minutes plus tard, je suis de nouveau en équilibre sur un os, racornie comme une araignée morte. » De nouveau, depuis trois jours, mes muscles sont tétanisés, brûlants et douloureux. Cette fois, non parce que mon monde vient de s’effondrer, il va même très bien, mais parce que je suis surmenée. Trop de projets à la fois et la logistique infernale qu’ils impliquent font de mon système nerveux une pelote toute emmêlée.
Ce week-end, je retrouve Valentina, qui rentre de sa tournée américaine avec un bon vieux jet lag, et nous nous sommes promis de ne rien faire (après son concert de samedi soir et malgré la visite de nos collaborateur.ice.s pour finaliser l’objet à quatre mains & quatre pieds dont je vous parlerai bientôt, mais je jure que ce sera un vrai dimanche après-midi d’automne, avec des hot cross buns et du thé plein de sirop d’agave et on ronronnera en chœur avec Ashby la panthère d’Islington). Pendant deux jours et demi, nous allons être, c’est tout. En attendant , je cours dans la brume et mes muscles grincent comme des portes de manoirs hantés, puis je travaille jusqu’à l’abrutissement et c’est l’heure d’aller au lit tomber sur un livre et faire des rêves épuisants pleins de logistique.
Hier, lors de la deuxième partie de mes (26+41) km du jour, j’ai pris un certain nombre de photos, comme je le fais presque toujours, ensuite de quoi je les ai triées, puis j’ai fait la sélection que voici et je me suis rendu compte que les images avaient toutes un point commun – sauf une.
Je suis partie de chez mon papy à Chocques. Il a 95 ans et a cessé de conduire il y a deux mois, ce qui représente à la fois un changement dans la logistique familiale mais aussi un symbole fort qui a teinté ma promenade de mélancolie. Un jour, on sait qu’on ne verra plus jamais la maison de ses proches, qu’on ne traversera plus jamais les paysages de toute une vie. Une rencontre que j’ai faite en cours de chemin n’a rien fait pour me détacher de ces pensées.
Il y a des choses bizarres à Béthune, où je suis née. Il y a une zone commerciale qui est aussi une ZI, près du canal d’Aire ; ce mélange à lui seul serait étonnant mais au beau milieu de ces hangars géants, il y a un bar à tatouages (si j’ai bien compris le concept) et là, des dizaines, sinon des centaines de bikers et affilié.e.s sont attablés dans une ambiance festive et un décor semi rétro semi industriel. Mais je n’ai pas pris de photos parce que des centaines de personnes seraient venues, à raison, me brandir leur droit à l’image sous le nez. Un peu plus loin, ce vélo géant m’a fait sourire parce qu’il est exposé sur un rond-point qui est aussi, ordinairement, une véritable machine à broyer les cyclistes. Mais hier, un dimanche soir d’août, on pouvait y survivre.
Puis j’ai été en sécurité au bord du canal, une fois descendue sous ce pont d’Essars.
Le pont vu d’en-dessous – on ne le devine pas mais il est très haut, ces tuyaux noirs fort appréciés des pigeons sont énormes.
Après Cuinchy, j’ai plongé dans les champs, d’Auchy-les-Mines à Vermelles – cinq kilomètres de cavaliers quasi déserts. Parmi les rares personnes que j’ai croisées, une dame m’a abordée alors que je prenais la photo ci-dessous. Elle devait avoir beaucoup marché parce qu’il n’y avait pas d’habitations dans les alentours immédiats. Nous avons parlé de nos paysages, des bienfaits de la campagne et du mouvement. Ça fait du bien de marcher, m’a-t-elle dit – enfin, vous, vous êtes jeune, vous pouvez faire du vélo. J’ai acquiescé, dit que j’en profitais. Vous avez raison, il faut en profiter, elle a dit puis je l’ai regardée s’éloigner seule dans ses vêtements qui me rappelaient ceux de ma grand-mère, les mains vides, sans même un sac. Je m’inquiète souvent que les autres se sentent seuls – bien que j’apprécie moi-même beaucoup la solitude, je sais que quand on la subit (j’ai vécu ça pendant l’un des confinements), elle peut être le lieu le plus triste du monde. La dame est-elle veuve ? Ses copines n’aiment-elles pas marcher ? Ou n’en ont-elles plus la force ? La dame préfère-t-elle les chats aux chiens ? (Si j’ai ces pensées, est-ce aussi parce que ma meilleure amie se trouve à cette heure précise à l’enterrement de sa grand-mère ?)
Le terril ci-dessous est celui que la grand-mère d’une autre de mes amies a vu toute sa vie ; elle vivait juste à côté, à Vermelles. Ici, vu depuis l’usine AZF de Mazingarbe.
Ci-dessous, toujours à Mazingarbe – à quelques centaines de mètres du sous-marin verdoyant de Grenay que l’on devine en arrière-plan -, ce passage à niveau pédagogique : « L’approche d’un train est annoncée par l’allumage des feux rouges clignotants et le tintement des sonneries », nous apprend ce panneau. Merci, je me suis toujours demandé à quoi servaient ces signaux. Il ne me reste plus qu’à découvrir la fonction des barrières blanches à pointillés rouges.
Et le voici, l’un des plus beaux et des plus étranges terrils des environs, le 58.
Je vis à 209 mètres à vol d’oiseau d’un stade de 7 ha dont la fréquentation en été doit être de 0,003 personnes au km² ; j’y amène ma bien-aimée, nos raquettes à la main et nous demandons s’il est possible d’accéder à un endroit abrité du vent pour jouer au badminton, mais non, parce qu’il faudrait que nous soyons licenciées bla bla bla et que nous cotisions à bla bla bla. Valentina dit qu’elle comprend les jeunes qui, faute de pouvoir accéder à quelque infrastructure que ce soit sans avoir d’argent ni le courage de remplir un dossier, se replient sur le crack et les armes blanches. Puisque je suis désormais non seulement son amoureuse, sa collaboratrice, l’intendante dévouée de son minibar et son assistante personnelle mais aussi sa coach sportive, il est de mon devoir de trouver une solution plus satisfaisante que les drogues dures. J’emmène donc mon élève jusqu’à une ancienne salle des pendus dont je suppute qu’elle fera un formidable gymnase gratuit. Fuck Un été à Lens et ses attractions gonflables, allons sur l’un des sites les plus confidentiels des alentours. Ci-dessous, ma chérie sort de l’ombre pour accéder à l’interdit :
C’est ici, dans cet espace bien caché par une verdure chaque année plus abondante, que nous allons pouvoir nous adonner à ce vice de l’été non agréé par la municipalité qu’est le sport gentil sans équipement pro ni sponsor ni avis médical.
Cet avertissement est nouveau mais nous ne nous laissons pas intimider : nous persistons à penser que le crack reste plus dangereux pour nous que les jeux de raquettes.
Au rez-de-chaussée, bien sûr, la végétation est trop abondante pour que nous puissions y jouer dans de bonnes conditions mais, au premier,
si l’on prend garde à ne pas laisser un bris de ceci ou cela entamer nos semelles, c’est tranquille :
il n’y a déjà presque plus de toit, ce serait vraiment jouer de malchance que de se prendre une tôle sur le ciboulot
et la bonne fortune nous préserve d’une fin si tragique, dont nos proches devraient demander réparation auprès de ma municipalité (qui n’est vraiment pas accueillante pour les non-fumeuses de crack).
Je profite de ce que mes jambes se remettent des collines de l’Artois pour courir ; mes muscles brûlent moins quand je cours que quand je pédale, bizarrement. Mon Bolide est comme neuf : nouvelle chaîne et nouveaux freins en moins de 24 h, grâce à la diligence de mon petit réparateur de ville (par opposition à centre commercial), toujours dispo, efficace (par opposition aux grandes enseignes de centres commerciaux, où j’aurais eu un rendez-vous pour février) et pas cher (par opposition aux idées reçues). Je profite de courir pour prendre des photos de l’été dans les petites villes, vous savez combien le sujet me passionne – je me disais ce matin que, même si j’aime toutes les saisons, l’été l’emporte assurément. Voici donc 11 photos prises au cours de mes récentes courses à pied à l’aube – je précise l’heure pour expliquer la faible flamboyance des couleurs.
(palmier d’Avion + parasol)
(bananier ferroviaire de Sallaumines)
(parasols d’Annay, Jock-a-mo fee na-ey)
(déco soleil – tête de mort (pas très clair) sur le terril de Méricourt)
(déco un peu plus volumineuse que les dessins à la craie qui fleurissent sur tous les sols des alentours, entre les bris de verre chaque jour plus nombreux et scintillants, résidus de beaucoup fun avec des bières en bouteilles vertes et des vodkas pas cher)
(on peut aussi opter pour la canette en fer-blanc ; chaque fois que je passe, j’admire l’évolution des tas ; par ailleurs, j’ai désormais la réponse aux questions que je me suis longtemps posées : les usagers ne se disent pas qu’ils souhaiteront peut-être revenir ? ça ne les dérange pas de festoyer dans leur propre poubelle ? la réponse est qu’ils ont bien l’intention de revenir mais que non, ça ne les dérange pas d’être mal assis là, dans leur merde de la veille)
(maintenant, on se munit de ce chariot, qui a peut-être servi à l’acheminement de tous ces alcools fins avant d’être abandonné sur la véloroute voisine, et on s’en va à Loos-en-Gohelle…)
(pour se fournir en sauce aux asperges en briques, deux cartons ayant été largués au beau milieu de ce champ – allez allez, on fait honneur à la sauce aux asperges)
(oui, c’est un peu long et ardu avec un simple chariot mais que voulez-vous ? la voiture a été désossée, jetée dans le Flot de Wingles, dans l’habitat des poissons, des canards et des cygnes – c’est ça aussi, les jeux de l’été culturel : le feu et l’eau – il y a les voitures que l’on brûle et celles que l’on noie)
Pour finir, 2 images de ma ville – que je montre assez peu, je m’en rends compte. Il faut dire que je ne me sens pas du tout lensoise (pas plus que je ne me sentais lilloise à Lille, les dernières années), l’essentiel de ma vie hors de la maison (elle-même située à la frontière de Sallaumines au sud et de Loison à l’est) se passant dans les petites villes et campagnes environnantes. Je n’avais pas eu l’occasion de voir le pont Césarine désert depuis le confinement.
Ci-dessous, le paquebot du stade entraperçu entre deux voies du pont ferroviaire de la nouvelle rue Bernanos, que j’aime bien.
Dimanche dernier, j’écoutais un album qui ne sortira pas tout de suite, par un groupe dont personne n’a encore entendu le nom – il comporte notamment un V comme Valentina – puis Polycrisis.Yes! de Jessica Sligter, et je cueillais plein de cerises au parc de la Glissoire (Avion) tandis que les lignes d’un roman à écrire s’assemblaient dans mon esprit et j’ai décidé de rentrer par le spot de lapins, qui m’a sauvé la vie pendant le premier confinement et où, depuis – ingrate – je ne mets plus très souvent les pieds. J’y suis retournée ce soir, sans musique parce que j’en ai trop écouté aujourd’hui – Valentina m’a donné son code pour télécharger des albums sur les différents labels du Café Oto, elle n’écoute pas de musique digitale et elle avait 44 points sur son abonnement (1 point = 1 album), autant dire que je suis encore plus folle que dans une épicerie vegan (j’emploie le présent parce que je me suis pour l’instant contentée d’en choisir onze, Viridian Ensemble, Sharon Gal, Claire Rousay, Ecka Mordecai, OLAibi, Phew, Audrey Chen & Kaffe Matthews, Cara Tolmie, Maggie Nicols, The Mermaid Café, Kajsa Lindgren, et je n’ai même pas fini de faire mon tri dans les catalogues de Tokuroku et d’Otoroku – même si je les avais déjà bien épluchés avant cette baguette magique offerte par mon amoureuse). Une fois au spot de lapins, j’ai mangé trop de cerises et de prunes. Dans les deux cas, l’offre était trop belle pour ma gourmandise naturelle. Les lapins faisaient une fête, je crois que je les ai dérangés. J’ai sélectionné 7 photos de ces deux promenades. D’abord, des Mal assis là, puis diverses choses – dont fruits et lapins.
Je ne connais personne dedans, personne dans 84,8. Je ne connais personne de majoritaire. Je ne connais que des toutes petites fractions. Les quantités négligeables de la nation.
Mon amour demande, Where are we going to live? mais nous savons qu’il n’y a pas d’ailleurs radieux. Je ne suis pas désespérée, j’aime les quantités négligeables de toutes les nations, nous sommes là quelque part en marge de la raie publique et en marge on cultive son petit jardin, on prend soin les uns des autres, c’est déjà bien.
Pour la première fois de ma vie, ce matin, j’ai couru sous la neige au printemps. Il y a trois jours, je pédalais au soleil en T-shirt avec ma playlist Road Trip (cf. La geste permanente de Gentil-Coeur) si estivale. Dans quelques années, ce genre de phénomène ne surprendra plus personne ; dans La Bohème de Puccini, Mimi chantera un soir sur deux Il primo bacio dell’aprile è mio et l’autre soir Il primo fioccio dell’aprile è mio. Non, cette neige n’est pas un poisson de premier avril, c’est le merdier climatique.
Pendant qu’ainsi le froid me mordillait les mollets dans le paysage hachuré de blanc (ci-dessous les arbres en fleurs de ma rue fouettés par les flocons piquants),
Valentina jouait dans le désert californien, sous ce ciel
Et là on la voit avec son groupe (enfin, l’un de ses groupes) et sa dégaine de badass, que j’aime tant (même si j’adore aussi son irrésistible sourire). On voit qu’elle a ses hurluberlus, elle aussi.
Pour finir ce billet sur une note de saison, n’oublions pas que c’est le Printemps des Poètes. Voici une photo prise au collège, hier. On y lit une citation faite pour moi, qui pars dès l’aube chaque matin de ma life.
Vous connaissez cette autrice ? (Je suis surprise de ne pas voir un -s traîner au bout de ce futur simple…) Dans un autre collège où j’interviens, à Corbie, une jeune fille de cinquième a écrit ceci – notre planète s’adresse aux humains : « j’adore les histoires que vous racontez (par exemple, Le Petit Chaperon rouge qui est innocente, réussit à se faire manger par le loup puis est sauvée par le chasseur…) » et tout son texte est empreint de cette ironie : la relève antispéciste est assurée, merci Camille…
Un morceau du groupe avec lequel mon amoureuse tourne en ce moment.
Ma passion pour la signalétique est bien connue. Il était temps que je lui consacre une étude un peu conséquente. Ci-dessous, un florilège de photos prises ces cinq dernières années, de la Belgique au bassin minier du Pas-de-Calais.
poétique du panneau
Des gens bien repassés prennent place autour d’un long bureau avec des donuts et du café. Ils disent « Bon, aujourd’hui, nous allons réfléchir à une séquence de mots qui pourrait dissuader les usagers de notre pelouse / notre berge / notre terril de s’y mettre en danger. Quelle stratégie allons-nous adopter ? Il reste des touillettes ? » En effet, si l’on sort des modèles standard proposés par le Brico Monsieur des collectivités, de nombreux angles d’approche sont possibles, qui permettent à la signalétique de trouver toute son efficacité.
Notez les licences poétiques du panonceau ci-dessous : l’ellipse de la chose/l’individu interdit(e) et le mélange singulier-pluriel qui en découle, aux petits airs d’anacoluthe, attirent assurément l’attention.
L’anacoluthe est prisée par la signalétique – tant sur le plan grammatical que sur celui du contenu. On peut supputer que l’usager de l’étang ci-dessous, intrigué par les interdictions circonstancielles, sera forcément amené à s’interroger sur la pertinence de se baigner l’hiver, par exemple. Il s’agit ici d’en appeler à son intelligence – l’interdiction étant de toute façon de pure forme puisque la municipalité décline toutes responsabilités au pluriel en cas d’accident.
La suggestion du danger opère souvent bien mieux que sa formulation prosaïque. Un trou ne fait pas aussi peur que le vide. Par ailleurs, l’oxymore que présentent les termes présence et vide rend le panneau plus percutant que ne le ferait une expression aussi plate que Danger trous.
La redondance est une autre forme de pédagogie, sans doute moins axée sur la confiance que les formes étudiées plus haut.
On peut aussi, aux mêmes fins, exploiter tout un champ lexical : danger, interdiction, risque… Face à tant d’insistance, on se dit que décidément, ça ne sent pas bon. On ne pénètre pas.
Cependant, la concision n’est pas forcément une mauvaise option. Jugez par vous-même : ici, on ne vous fait pas un schéma pour vous expliquer la nature du danger – ce qui risque de vous tomber dessus n’est pas votre problème, tout ce que vous avez à savoir c’est que, derrière le panneau, c’est la mort. Ni plus ni moins. Et avec un point d’exclamation comme un poing dans le nez. Dissuasif, non ? Sans doute pas assez dans le cas qui nous occupe puisque manifestement la chose qui menaçait de mort a explosé. Comme le dit l’expression populaire, « Qui fait le malin tombe dans le ravin » et l’état de ce panneau est à lui seul une leçon pour qui serait du genre à passer outre les mises en garde.
Laisser planer le mystère nous assure que l’usager va rester vigilant à tout danger qui pourrait survenir. On le responsabilise. Ainsi, approchant du canal, il restera sur ses gardes, sachant que la menace peut surgir de partout, d’un canard enragé, d’une péniche à la dérive, d’une glissière de sécurité mal scellée, d’une berge effondrée, d’un pêcheur foudroyé (voir plus bas) + contagieux, etc.
Le message, de par sa double indistinction (de forme – écaillée + déteinte – comme de fond), est paradoxalement plus complet, vous l’admettrez, que le classique ci-dessous :
Ici, le double pluriel insiste sur le fait que des chutes de natures diverses peuvent se produire.
On vous l’explique :
2. la loi des séries
Vous connaissez sans doute la chanson Eveything Happens To Me, rendue célèbre par Chet Baker. Eh bien dites-vous que, quand on n’a pas de chance, on peut se trouver soudain entraîné.e dans une succession de postures douloureuses, sinon fatales, comme on le voit ci-dessous :
(« Chute ; Chute de blocs ; Glissement ; Feu de forêt ; Brûlure ; Intoxication ou asphyxie », nous annonce le panneau)
Telle avalanche de catastrophes peut aussi vous échoir chez vous, sur votre propre marche-pied – n’oubliez jamais que chaque seconde volée à la mort est un coup de chance (l’image qui clôt cette bande dessinée très édifiante me fait toujours frémir par son tragique)
et que si vous ne tombez pas en avant, vous pourrez aussi bien tomber en arrière – à moins que le danger ne soit suspendu au-dessus de vous comme la fameuse épée : pourquoi pas ?
Eh oui, on ne regarde plus ces arbres majestueux de la même manière une fois qu’on a vu l’avertissement : on est décillé pour toujours, arbre = danger.
Bien souvent, le danger vient du dessus. Voyez combien Somarail Track Solution Group MIP flippe sa mère de ce qu’il pourrait vous larguer sur le ciboulot, il en arrive à clignoter sur du papier plastifié : bonhomme bâton mitraillé, point d’exclamation dans un triangle jaune, main agitée sous votre nez, on sent ici une sincérité absente des messages étudiés précédemment. Ne pas donner à sa panique l’aspect policé d’un « c’est vous qui voyez » peut être une stratégie.
Mais revenons à notre loi des séries. Ne faites pas n’importe quoi avec les trains, je vous en conjure : ne sautez pas devant et ne montez pas dessus, malheureux. En toutes choses, faites preuve de bon sens.
Ayez toujours en tête notre bonhomme bâton, rappelez-vous comme il prend cher. Il n’a pas le temps de se relever
que déjà il retombe, foudroyé
– et même si parfois, il l’a bien cherché, le rôle de la signalétique est de le protéger de sa propre bêtise / maladresse.
CAS PARTICULIERS
3. la signalétique se soucie parfois des autres espèces
(Pas toujours, cf. chasse gardée / réservée, zone piégée, etc.) C’est au moins le cas dans cette rue de Gand, où les poissons risquent de mal respirer – normal, me direz-vous, puisque c’est une rue et non un canal, mais s’en rendent-ils bien compte ?
Quant à ce panneau, il protège les escargots de ceux qui voudraient les écraser avec un marteau (tout existe, vous savez, on n’imagine pas ce dont les gens sont capables).
4. la signalétique déjoue les stéréotypes
Ce panneau, par exemple – bien qu’à l’évidence il fasse référence aux Village People – rappelle que, contrairement aux idées reçues, les garçons homosexuels sont suceptibles de relations socialement acceptables et ne passent pas uniquement leur vie au sauna.
5. ça n’arrive qu’ici
Certains dangers spécifiques au bassin minier nous obligent à fabriquer des panneaux qu’on ne trouve pas dans tous les Brico Monsieur.
Avant de clore cette étude sur les stratégies de protection de la population civile par les collectivités, je veux attirer votre attention sur un aspect mal compris de la pédagogie signalétique. Oui, parfois on vous ment.
Mais c’est toujours pour votre bien. Considérez ça comme une alerte incendie, en quelque sorte. En vous exerçant à la discipline et à la prudence, vous allongez votre espérance de vie. On vous apprend à interroger la solidité du sol sur lequel vous allez poser le pied, du treuil qui tient le container suspendu au-dessus de votre tête, du mur auquel vous allez vous adosser. Cependant, je tiens à le rappeler, la colectivité décline toute responsabilité si l’un ou l’autre devait céder. Son truc, c’est la prévention, pas le ramasse-poussière.
Lever de soleil sur Sainte-Henriette (Hénin-Beaumont)
et sa luxuriante végétation truffée de lapins (ils sont cachés).
Prenons maintenant cette vue immersive d’un rond-point de Courcelles : un artiste nous prépare quelque chose, dirait-on. Les images ne sont pas mises à jour très régulièrement, on le constate (après vérification, cette vue n’a pas été rafraîchie depuis 2008), car aujourd’hui
l’art de rond-point a pris la ville même pour sujet, à travers l’une de ses infrastructures de base, le château d’eau.
Ailleurs, comme ici à la limite d’Évin-Malmaison et de Leforest, l’art se fait plus poétique avec ce cerf très stylisé.
Ici, on pénètre dans presque la campagne.
Au sommet du terril de Leforest, qui mérite assurément le qualificatif de mignon (il est aussi très préservé, sans détritus et verdoyant), on peut mal s’assoir
ou contempler Leforest
ou faire des repérages pour la suite de la virée : destination le terril d’Ostricourt, que l’on devine dans la nébulosité du matin (il n’est encore que 8h).
Le bassin minier est remarquable par son généreux art des jardins ; vous en avez vu ici quelques exemples relevant de la rubrique Kitsch & Lutte des Classes mais il manquerait une facette si je ne montrais pas l’un de ces personnages abstraits qui sont ici tout aussi prisés que les mickeys, moulins et papillons de façade. Cette oeuvre siège à Ostricourt, à quelques centaines de mètres du célèbre
arbre échelle, dans le bois de l’Offlarde ; les échelons que l’on voit ci-dessous sont des boursouflures de l’écorce, pratiquées par des pièces de fer forgé (certaines y sont toujours) pendant la première guerre mondiale, où ce vieux chêne servait de poste d’observation aux soldats allemands. C’était la minute touristique ; ne comptez pas sur moi pour que ça se reproduise.
Regardez plutôt comme il est beau, le terril d’Ostricourt ; il l’était aussi il y a quelques jours sous la pluie battante mais ce n’est pas comme si j’avais pu en prendre des photos – aujourd’hi, je n’aurais plus d’appareil.
Et ces arbres morts qui bordent les bois marquent l’entrée du site, vers la mosquée d’Ostricourt. Je voulais vous montrer aussi le centre médico-social du boulevard des 25 Nonnes mais ce sera pour une prochaine fois puisque nous avons déjà 13 images et que je tiens toujours autant à mes nombres premiers.
On invoque souvent, pour prouver l’intelligence animale, la capacité de certaines espèces à jouer – on cite par exemple les corbeaux faisant de la luge sur des toits enneigés. J’affirme depuis longtemps (2006 très exactement, cf. Je respire discrètement par le nez, p. 70) que les poules d’eau surfent volontiers, je les ai vues à l’œuvre plusieurs fois, quoique je n’aie pas d’image à fournir pour convaincre les incrédules. Aujourd’hui, j’ai la preuve que les limaces pratiquent une forme de course en sac, à savoir cette photo de ma terrasse, où l’on voit nettement les traces luisantes discontinues de leur compétition (les sacs sont en toile de jute, ok ? pas en toile cirée). Vigoureuses, hein ? Il faut dire qu’ici, elles sont bien nourries : l’été dernier, elles ne m’ont pas laissé une seule salade (zéro reproche).