Ici, on sent déjà les prémices de l’automne sans avoir vraiment goûté l’été : le vent nous privait de ce suspens si particulier, fait d’immobilité et d’une acoustique élastique, à la fois ample et précise, que j’aime tant d’habitude en cette saison. J’ai peur que cette sensation ne revienne jamais, qu’elle ait été emportée par le vent du changement climatique.
Cet été, j’ai vu des humain-es tourner en rond dans leur propre cerveau sans s’apercevoir que leur cage était ouverte – et si vous leur désignez l’issue, iels reculent, terrifié-es. J’ai vu des animaux non-humains dans des enclos bien fermés, aussi étroits que leur solitude était immense, et dont le regard avait la profondeur insondable de la mort. J’ai vu des animaux non-humains écrasés, des hérissons par centaines, quelques lapins et lièvres, trois grenouilles, deux chats. J’ai vu des centaines d’animaux non-humains libres que les chasseurs pourront bientôt harceler, transformant la paix relative de la belle saison dans leur habitat morcelé en un long enfer. Déjà, dans les réserves naturelles, les sites ornithologiques, la « chasse de loisir » a commencé. J’invente des prières profanes pour chaque être innocent que menacent mes congénères les plus répugnants ; ça ne soulage que moi.
Je contemple le crépuscule de la civilisation. Je regarde les faux enjeux que les humain-es tournent entre leurs mains comme des articles de bazar. Je regarde des humain-es taguer leur blaze sur un immeuble dont la démolition a déjà commencé. Je trouve dans l’idée de la fin imminente un vif sentiment de liberté.
Je posterai bientôt ici une sélection de mes innombrables photos de chevreuils et chevrettes prises ces trois derniers mois. En attendant, voici une vision émouvante de complicité interspécifique – j’ai photographié ce héron garde-boeufs et son camarade ce matin, dans la petite ville d’Annequin, un peu après l’aube.
