Pas de côté

(Les Carnets du Dessert de Lune, février 2018.)

Quatrième de couverture – extrait de « Ce qui pourrait être une préface » de l’inimitable Isabelle Bonat-Luciani :

« Pas de côté s’adresse à un public averti (ce n’est pas moi qui le dis mais le préambule). Un amour lorsqu’il se soustrait produit malgré tout deux dépouilles et une géographie intime à l’ouest. La période du recueil couvre les contours des embrasements et des inéluctables, ces fils de vie où tout advient, des majorettes aux retours de bâtons. L’écriture de Fanny Chiarello dans ces courts textes dont les pieds foulent le cœur, embrasse aussi bien les distorsions et les dissonances que les mouvements amples. Sa langue est sans artifices, nue, faisant jaillir la matière brute, toute emplie de l’intelligence des éveillés. Alors on s’éveille, à l’écoute des métamorphoses tout autant qu’un réel parfois trop réel, parfois désarmant, parfois sublime, dans une chorégraphie qui fragmente, transperce, fait trébucher, bouleverse, étonne. Elle est guitare électrique et soprano, elle est tout à la fois, indivisible et divisée tandis que les insaisissables nous saisissent, la capacité d’être tout à fait, encore plus grande. »

Mon avertissement : « Ce recueil est le journal d’une relation vécue de juin 2016 à février 2017. Sa première version était beaucoup plus volumineuse puisqu’il réunissait nos deux points de vue – émis depuis les deux extrémités (nord-sud) de la France –, qui se faisaient écho ou s’égratignaient. Nous l’avions intitulé Pas de deux. Voici Pas de côté, mon chemin solitaire dans cette histoire, des prémices aux derniers soubresauts. »

Quelques images qui accompagnaient les poèmes suivants tandis que je les écrivais :

Madeleine

Extrait :

« impossible de me rappeler la circonstance et soudain mon sourire s’estompe
au-dessus de mon short à cordon dans cette rue de La Madeleine
tandis que mon regard percute une boîte aux lettres en forme de chalet suisse :
tu te rappelles ? quand tu as craché du café par le nez pour la dernière fois ?
quand tu as assez ri pour ça ? »

(C’est ce jour-là qu’est née ma passion fulgurante pour les Chalets du Nord.)

Choky

Extrait :

« le réel et toi comme huile et eau dans la cuvette
d’une pissotière
pourtant le bonheur t’empoigne par surprise alors que tu
descends la passerelle de l’Europe
sa rampe la plus longue au nord de la ville bourgeoise
près des bretelles d’autoroute un désert de ciment propre
de graminées de fleurs sauvages et d’insécable silence »

(Passerelle de l’Europe, reliant Lambersart et Saint-André.)

Et maintenant, des musiques :

Be your dog

Extrait :

« malgré l’attention que je prête aux roses trémières et à la porosité des peaux
j’ai besoin de jeter des musiques violentes dans les rues de l’été
qui seraient désertes n’étaient quelques détritus, parmi lesquels un sac plastique indécis dans la brise légère
et moi

là est ma place dans le vide exact que délimite ma robe à fleurs
dans le vide exact de la ville en juillet
dans le vide exact de l’univers »

Je ne vais pas encore vous passer Freezer burn/I wanna be your dog de Sonic Youth, je l’ai déjà trop fait (vous pouvez d’ailleurs l’entendre sur la page de mon premier recueil aux Carnets du Dessert de Lune, La fin du chocolat), mais une autre chanson que j’ai beaucoup écoutée le jour où j’ai écrit ce poème.

Coil : Ayor (It’s in my blood)

Sang dedans

Écrit en hommage à Alan Vega le lendemain de son décès. Jukebox Babe.

Chaos is the future and beyond it is freedom

Le titre de ce poème est tiré d’une chanson de Sonic Youth, pourtant il y est question de Meredith Monk.

Meredith Monk : Scared Song

Extrait :

« je me lève dans le silence je jette
Meredith Monk dans le silence
elle émet des sons avec son corps
avec sa bouche avec le dedans
sur lequel ouvre sa bouche »

Bobenyu

Extrait :

« la jeune fille a un accent moyen
dont on pourrait sourire mais pas nécessairement »

Cette fois, c’est plus logique : Bobenuy est aussi le titre de la chanson que j’écoutais dans ce poème. C’est un chant traditionnel juif, ici repris par Noëmi Waysfeld & Blik avec la participation particulièrement poignante de Sonia Wieder Atherton.

Lorazépam free

Moins qu’un extrait :

« dialogue des corps plus pertinent moi inepte quoique consciente de mon ineptie déjà ça  »

Je sais, je vous ai déjà assommés, assommés avec les Disintegration Loops de William Basinski, mais il est aussi question d’elles dans ce poème alors tant pis pour vous.

Il y a aussi un poème qui s’intitule Disintegration Loop mais qui ne parle pas du tout de la musique. Extrait :

« cependant que les jours se succèdent en un
jeu des sept erreurs
les lignes bougent au fond »

Fermez la fucking bouche

est inspiré d’une chanson de Help! She Can’t Swim, Fermez la bouche :

Extrait :

« pourquoi pourquoi pourquoi
faut-il que je sois née dans une civilisation assez dégénérée pour avoir inventé le rituel des meilleurs vœux ? »

Adagio assai

fait précisément référence à celui du Concerto en sol de Ravel, à 7’46 dans la vidéo ci-dessous (je ne varie pas de ma version fétiche, celle de Samson François et André Cluytens, désolée)

Extrait :

« et le temps une fois encore
une dernière fois
se suspend
pour nous »

That’s entertainment

est une citation de The Band Wagon de Vincente Minnelli, dans la célèbre scène ci-dessous, avec Fred Astaire, Jack Buchanan, et les fabuleux Oscar Levant et Nanette Fabray

Extrait :

« pour fêter la fin du tournage
j’ai imaginé de nouveaux synopsis
à jeter dans le vide
j’ai bien travaillé »

Finissons cette présentation par une image du Sud, puisque c’est aussi, en partie, là que ça se passe – un arrière-monde dont vous pardonnerez, je vous prie, la mauvaise qualité :

« je vois bien la pierre blanche gorgée de soleil
les peaux brunes les cheveux solides
les cafetières italiennes sur les flammes bleues
les concessionnaires de bateaux
et même la végétation a l’air plus minérale ici
elle bruisse sèche et cassante dans la brise trop
légère pour apaiser les viscères comprimés »