La zone de quiétude

Pendant ce temps, j’écris des petits romans pour ados en deux semaines. Merci aux éditions Page à Page de m’avoir embarquée dans cette aventure sur les chapeaux de roues – plutôt vélo que quad…

Lancement samedi matin au salon PolarLens en présence de l’illustratrice Sandrine Sekulak.

Basta Now, c’est parti

Vendredi dernier, le lancement de Basta Now au Café Oto a été pour nous un enchantement. La plus grande partie de nos ami-e-s londonien-ne-s étaient de la fête, ainsi que mes deux meilleures amies venues de Lille pour l’occasion. Après ma discussion avec Jennifer Lucy Allan (que je remercie encore pour son enthousiasme et la finesse de l’échange), Jennifer Walshe a subjugué la foule, puis à son tour Ondata Rossa.

Ici, Dali applaudissant le discours de fin de résidence de Valentina.

J’aime beaucoup la photo ci-dessous, prise par mon Antique, d’autant qu’on voit sur les côtés quelques-un-e-s de nos ami-e-s, plus ou moins flou-e-s – Davide, Susumu et, à droite, Clémentine et William.

Hier, après avoir donné une interview à mon magazine préféré (à suivre), j’ai reçu ces photos des gérantes de la librairie Donlon (LA librairie dans laquelle nous allons au moins une fois à chacun des mes passages à Londres) : voici Basta Now en vitrine et en bonne compagnie. J’ai un peu l’impression de vivre un rêve adolescent et je suis infiniment reconnaissante pour cet accueil inespéré du livre, notamment (enfin) pour les retours de lecture très rassurants.

Little Trouble Girls

Samedi, j’étais sur Soho Radio (Londres) pour parler de quatre femmes musiciennes qui m’inspirent dans la géniale émission Little Trouble Girls de Marie aka Iko Chérie, qui sélectionne chaque mois des musiques de tous styles faites par des femmes. La session de samedi est désormais disponible à la réécoute ici. Merci Marie !

paradis perdu n°4

Ce matin, pour la première fois en six mois, je suis allée courir sur l’un de mes terrils préférés. La chasse étant fermée depuis trois jours (officiellement puisque dans ce pays, diverses dérogations permettent aux psychopathes d’assouvir leurs pulsions en toute saison), je me réjouissais de retrouver ce site qui a été le décor de moments parmi les plus beaux de ma vie. Nous appelions alors « la Quatrième Dimension » ce terril mystérieux et labyrinthique où l’on perdait la notion des points cardinaux mais aussi du bas et du haut. En voici quelques images datant de 2020 :

Les lieux que l’on voit sur ces photos sont désormais inaccessibles. Condamnés par barbelés, barrières, panneaux. Sa sauvagerie autrefois inquiétante et fascinante a laissé place à une signalétique quasi carcérale + infographie criarde, comme c’est arrivé à plusieurs autres terrils avant lui. Les trois quarts des chemins qui avaient gardé la trace de mon bonheur me sont désormais interdits. Je me demande ce que ressentent celles et ceux qui pratiquaient ces lieux depuis plus longtemps que moi, certain-e-s depuis toujours : quelle perte ces aménagements représentent pour eux. Le problème de ce monde, c’est qu’il est dessiné, balisé, cloisonné par des bureaucrates qui n’en sont pas les usager-e-s.

Ci-dessous, on aperçoit encore des sentiers que nous aimions emprunter, notamment pour aller cueillir des mûres.

On trouve aussi désormais sur ce terril d’immenses zones de quiétude pour la faune et la flore, ce qui serait formidable si la chasse était interdite et si on n’abattait pas des arbres par dizaines pour installer des belvédères et autres infrastructures conçues pour les touristes alors qu’il n’y a PAS de touristes ici, Unesco ou pas, Starbucks ou pas, il n’y en aura jamais. Laissons les arbres tranquilles, et tous les êtres dont ils sont l’habitat.

La signalétique : une étude

En cette ère où la signalétique devient un considérable scotome de notre quotidien, j’ai décidé de modifier la date de ce billet initialement publié en novembre 2021, afin de rappeler à l’internaute de passage les raisons de cette pollution visuelle que l’on nous impose – du moins d’une partie de cette pollution, les panneaux pédagogiques thermolaqués étant en passe de prendre plus de place encore dans nos quotidiens que les panneaux de danger (il y en aura sans doute bientôt devant les boulangeries, pour notre édification).

***

Ma passion pour la signalétique est bien connue. Il était temps que je lui consacre une étude un peu conséquente. Ci-dessous, un florilège de photos prises ces cinq dernières années, de la Belgique au bassin minier du Pas-de-Calais.

  1. poétique du panneau

Des gens bien repassés prennent place autour d’un long bureau avec des donuts et du café. Ils disent « Bon, aujourd’hui, nous allons réfléchir à une séquence de mots qui pourrait dissuader les usagers de notre pelouse / notre berge / notre terril de s’y mettre en danger. Quelle stratégie allons-nous adopter ? Il reste des touillettes ? » En effet, si l’on sort des modèles standard proposés par le Brico Monsieur des collectivités, de nombreux angles d’approche sont possibles, qui permettent à la signalétique de trouver toute son efficacité.

Notez les licences poétiques du panonceau ci-dessous : l’ellipse de la chose/l’individu interdit(e) et le mélange singulier-pluriel qui en découle, aux petits airs d’anacoluthe, attirent assurément l’attention.

L’anacoluthe est prisée par la signalétique – tant sur le plan grammatical que sur celui du contenu. On peut supputer que l’usager de l’étang ci-dessous, intrigué par les interdictions circonstancielles, sera forcément amené à s’interroger sur la pertinence de se baigner l’hiver, par exemple. Il s’agit ici d’en appeler à son intelligence – l’interdiction étant de toute façon de pure forme puisque la municipalité décline toutes responsabilités au pluriel en cas d’accident.

La suggestion du danger opère souvent bien mieux que sa formulation prosaïque. Un trou ne fait pas aussi peur que le vide. Par ailleurs, l’oxymore que présentent les termes présence et vide rend le panneau plus percutant que ne le ferait une expression aussi plate que Danger trous.

La redondance est une autre forme de pédagogie, sans doute moins axée sur la confiance que les formes étudiées plus haut.

On peut aussi, aux mêmes fins, exploiter tout un champ lexical : danger, interdiction, risque… Face à tant d’insistance, on se dit que décidément, ça ne sent pas bon. On ne pénètre pas.

Cependant, la concision n’est pas forcément une mauvaise option. Jugez par vous-même : ici, on ne vous fait pas un schéma pour vous expliquer la nature du danger – ce qui risque de vous tomber dessus n’est pas votre problème, tout ce que vous avez à savoir c’est que, derrière le panneau, c’est la mort. Ni plus ni moins. Et avec un point d’exclamation comme un poing dans le nez. Dissuasif, non ? Sans doute pas assez dans le cas qui nous occupe puisque manifestement la chose qui menaçait de mort a explosé. Comme le dit l’expression populaire, « Qui fait le malin tombe dans le ravin » et l’état de ce panneau est à lui seul une leçon pour qui serait du genre à passer outre les mises en garde.

Laisser planer le mystère nous assure que l’usager va rester vigilant à tout danger qui pourrait survenir. On le responsabilise. Ainsi, approchant du canal, il restera sur ses gardes, sachant que la menace peut surgir de partout, d’un canard enragé, d’une péniche à la dérive, d’une glissière de sécurité mal scellée, d’une berge effondrée, d’un pêcheur foudroyé (voir plus bas) + contagieux, etc.

Le message, de par sa double indistinction (de forme – écaillée + déteinte – comme de fond), est paradoxalement plus complet, vous l’admettrez, que le classique ci-dessous :

Ici, le double pluriel insiste sur le fait que des chutes de natures diverses peuvent se produire.

On vous l’explique :

2. la loi des séries

Vous connaissez sans doute la chanson Eveything Happens To Me, rendue célèbre par Chet Baker. Eh bien dites-vous que, quand on n’a pas de chance, on peut se trouver soudain entraîné.e dans une succession de postures douloureuses, sinon fatales, comme on le voit ci-dessous :

(« Chute ; Chute de blocs ; Glissement ; Feu de forêt ; Brûlure ; Intoxication ou asphyxie », nous annonce le panneau)

Telle avalanche de catastrophes peut aussi vous échoir chez vous, sur votre propre marche-pied – n’oubliez jamais que chaque seconde volée à la mort est un coup de chance (l’image qui clôt cette bande dessinée très édifiante me fait toujours frémir par son tragique)

et que si vous ne tombez pas en avant, vous pourrez aussi bien tomber en arrière – à moins que le danger ne soit suspendu au-dessus de vous comme la fameuse épée : pourquoi pas ?

Eh oui, on ne regarde plus ces arbres majestueux de la même manière une fois qu’on a vu l’avertissement : on est décillé pour toujours, arbre = danger.

Bien souvent, le danger vient du dessus. Voyez combien Somarail Track Solution Group MIP flippe sa mère de ce qu’il pourrait vous larguer sur le ciboulot, il en arrive à clignoter sur du papier plastifié : bonhomme bâton mitraillé, point d’exclamation dans un triangle jaune, main agitée sous votre nez, on sent ici une sincérité absente des messages étudiés précédemment. Ne pas donner à sa panique l’aspect policé d’un « c’est vous qui voyez » peut être une stratégie.

Mais revenons à notre loi des séries. Ne faites pas n’importe quoi avec les trains, je vous en conjure : ne sautez pas devant et ne montez pas dessus, malheureux. En toutes choses, faites preuve de bon sens.

Ayez toujours en tête notre bonhomme bâton, rappelez-vous comme il prend cher. Il n’a pas le temps de se relever

que déjà il retombe, foudroyé

– et même si parfois, il l’a bien cherché, le rôle de la signalétique est de le protéger de sa propre bêtise / maladresse.

CAS PARTICULIERS

3. la signalétique se soucie parfois des autres espèces

(Pas toujours, cf. chasse gardée / réservée, zone piégée, etc.) C’est au moins le cas dans cette rue de Gand, où les poissons risquent de mal respirer – normal, me direz-vous, puisque c’est une rue et non un canal, mais s’en rendent-ils bien compte ?

Quant à ce panneau, il protège les escargots de ceux qui voudraient les écraser avec un marteau (tout existe, vous savez, on n’imagine pas ce dont les gens sont capables).

4. la signalétique déjoue les stéréotypes

Ce panneau, par exemple – bien qu’à l’évidence il fasse référence aux Village People – rappelle que, contrairement aux idées reçues, les garçons homosexuels sont suceptibles de relations socialement acceptables et ne passent pas uniquement leur vie au sauna.

5. ça n’arrive qu’ici

Certains dangers spécifiques au bassin minier nous obligent à fabriquer des panneaux qu’on ne trouve pas dans tous les Brico Monsieur.

Avant de clore cette étude sur les stratégies de protection de la population civile par les collectivités, je veux attirer votre attention sur un aspect mal compris de la pédagogie signalétique. Oui, parfois on vous ment.

Mais c’est toujours pour votre bien. Considérez ça comme une alerte incendie, en quelque sorte. En vous exerçant à la discipline et à la prudence, vous allongez votre espérance de vie. On vous apprend à interroger la solidité du sol sur lequel vous allez poser le pied, du treuil qui tient le container suspendu au-dessus de votre tête, du mur auquel vous allez vous adosser. Cependant, je tiens à le rappeler, la collectivité décline toute responsabilité si l’un ou l’autre devait céder. Son truc, c’est la prévention, pas le ramasse-poussière.

dublab

Il y a un an, Valentina et moi étions à Los Angeles. Cette année, j’y serai aussi un peu, d’une certaine manière : lundi (22) à 18h, heure française, un de mes mix sera diffusé sur les ondes de Dublab, prestigieuse radio de la mégapole, à l’invitation de Christeeeene, que je remercie infiniment pour sa confiance. Pour en savoir plus, cliquez ici

Au programme :

Katie Lou McCabe – Little Girl Lost
Bethan Kellough – A Song of Wings
Valentina Magaletti – She_Her_Gone
Olivia Block – En Echelon
Native Instrument – Vögel Unserer Heimat
Jennifer Walton – Throat Doxx
Klein – Hope Dealers
Jouska – Everything Is Good
Lost Girls – Drive
Jessica Sligter – The Endless End
Pôm Bouvier B – Jurmo
Voice Actor – Love

bientôt

Après des années à recenser quelque 2400 femmes, trans et non-binaires œuvrant dans les musiques expérimentales, des mois de recherches, d’écriture, de traduction, d’échanges avec des labels, des artistes, des photographes, je suis en train de lire les épreuves de Basta Now – notre graphiste Karolina m’envoie les chapitres à mesure qu’elle les met en page. Évidemment, nous sommes en retard puisque le livre doit partir en impression lundi, mais j’ai bon espoir qu’il soit prêt pour son lancement le 8 mars au Café Oto, à Londres, pendant la résidence de Valentina. Ce sera la première publication papier de Permanent Draft, notre label. Il sera présenté en même temps que nos deux premiers vinyles, dont je suis très fière et dont je parlerai en temps voulu.

Au cours de ces dernières semaines, pour récupérer des crédits photographiques, j’ai contacté par Internet de très nombreux-ses artistes dont la générosité, la disponibilité et la simplicité m’ont tour à tour émue et euphorisée. Je sais déjà que j’en rencontrerai quelques-un-e-s au lancement, qui nous feront l’amitié d’être présent-e-s. Gratitude éternelle à elles, à eux, ainsi qu’aux labels et aux agent-e-s.

NPR 103 des joyeuses fêtes

Les joyeuses fêtes ne sont pas joyeuses pour les végétaux, ni pour les animaux non-humains, ni pour les humain-e-s que nous exploitons et qui fabriquent les montagnes d’artefacts dont nous avons besoin pour fêter l’anniversaire de Jésus dans les pays champions de la laïcité tels que Vive la République Vive la France. En fait, rien n’est jamais joyeux pour nos esclaves et possessions. Parfois, je me demande ce que les enfants apprennent sur leurs téléphones, s’ils ne sont pas capables de dire à leurs parents, « Mais enfin, vous n’allez pas tuer un jeune sapin pour m’offrir la magie de Noël ? Je m’en fous, qu’il y ait un sapin dans le salon, l’important c’est que j’aie le Mac-Ceci, l’Apple-Truc ou le Google-Cela ». Que font les jeunes censé-e-s sauver la planète ? N’ont-iels pas encore compris qu’un sapin fonctionnel est un sapin vivant (grave ton nom dessus si tu veux montrer qui est le boss, mais laisse-le t’oxygéner, irremplaçable jeune humain-e) ? Ce matin, j’ai accroché des NPR à des sapins morts municipaux devant une boucherie, devant un hôtel de ville et sur le rond-point d’un Lidl.

oui, c’est flou, il y avait beaucoup de vent et mon appareil est une merde (pourvu que le père Noël m’apporte le dernier iPhone, que je fasse des selfies avec mon pull de Noël moche made in Pakistan, qu’est-ce qu’on s’amuse bien) ; bref, ci-dessus Lidl et ci-dessous c’est le cadavre résineux ligoté à un poteau devant la boucherie (je ne peux me résoudre à mettre une photo de boucherie en ligne)

Et avec ceci ?

top 43

Permanent Draft n’a encore sorti qu’une cassette, c’est vrai, mais elle est dans le TOP 100 de l’année de The Quietus, à la place 43 – très beau nombre premier dont j’espère qu’il nous portera chance. Merci à Jennifer Lucy Allan pour son enthousiasme. C’est avec elle que je m’entretiendrai au Café Oto, à Londres, le 8 mai 2024, pour le lancement de mon livre sur les femmes, trans et non-binaires dans la musique expérimentale, qui sera donc la deuxième parution de Permanent Draft. Des vinyles suivront.

Vertébrale(s) à Nantes

Vendredi, au studio Lolab, à Nantes, les Vertébrales (désormais Aude et moi seules) accueillaient les artistes sonores Anne-Line Drocourt et Marie Guérin, la vidéaste dramaturge Alice Gautier, la plasticienne Marou Gourseyrol et la violoncelliste Soizic Lebrat. Cette photo de groupe prise avec un retardateur sur le téléphone de Soizic nous a fait d’autant plus rire qu’elle semblait illustrer nos thématiques du jour, du flou de la forme en train de s’esquisser à notre expérience de femmes face aux institutions.