quelques acouphènes (3)

Hier, Valentina jouait avec un autre de ses groupes dans un club du centre de Barcelone qui s’appelle LAUT et où les gens sont des amours – plus punks donc plus accueillants et conciliants que les employés de l’Apolo. Je pensais que les balances seraient l’occasion de prendre une photo nette mais c’est raté, Susumu est flou. Sur scène, deux vegans et une végétarienne. Beau quota dans la salle, du moins avant l’ouverture des portes.

Cucina Povera jouait juste avant eux ; je suis son travail depuis longtemps et j’étais heureuse de la voir enfin sur scène – lors de ma résidence à Rennes, il y a presque trois ans, je la présentais ici puis déplorais de la manquer en concert à Bruxelles et à La Haye ; son album paru pendant le premier confinement a été, comme je le lui expliquais hier et le racontais dans ce billet, une lumière bienvenue. J’ai donné ses traits à un personnage de mon roman de fantômes, dont voici un bref extrait :

« Un thé fume sur la toile cirée, auprès de l’ordinateur portable qui nasille un album de Cucina Povera. L’invitée a besoin de reconstituer un succédané de son quotidien et ça passe par de menus rituels, thé aux agrumes et musique expérimentale devant l’écran tandis qu’elle mesure la distance qui la sépare de son Vaisseau Fantôme sur une carte interactive, étudie des cartes, des vues satellites, des vues immersives, interroge le comparateur de territoires sur le site de l’Insee.

– Tu es sûre ? demande-t-elle. Tu ne préfères pas que j’écoute la musique au casque ?

– Sûre. Je suis curieuse, figure-toi.

– Elle te ressemble un peu, physiquement – la musicienne. Elle a ton air, comment dire… un peu revêche. »

En vrai, comme disent les jeunes, Maria n’est pas du tout revêche. Hier, à ce que nous appelons Spritz o’clock, nous étions autour de la table quatre Italiennes, un Japonais, un Anglais, une Finlandaise, un Luxembourgeois et une Française.

Et maintenant, des extraits de deux magnifiques concerts : Maria d’abord,

puis voici Valentina et Susumu en pleine pyrotechnie – on ne voit pas Al et le son est très moyen parce que j’ai fait le choix de voir ma #1 da woman de près et donc de rester sur le côté de la scène. Je ne regrette pas mon choix, seulement de ne pas avoir le don d’ubiquité. Je ne me lasse pas d’écouter les gens dire à Valentina qu’ils n’avaient jamais rien vu/entendu de tel – chaque fois, je me rappelle ma première fois, en 2018 à Cambridge, le jour où je suis allée lui demander à la fin de son concert, Mais enfin, qui êtes-vous ? C’était quoi, ça ?

(photo prise près de LAUT)

Ce matin, j’ai fait mes adieux à Jamila Woods devant la machine à café de l’hôtel puis ma + 1/2 et moi avons déménagé ; nous sommes chez des amies pour le reste de notre séjour, au nord de la ville – un peu plus près des sangliers.

mes cartes postales (2)

du quartier Diagonal de Barcelone, mon préféré à ce jour – hier, nous sommes allées dans le centre pour voir un concert, il y avait des bâtiments vus sur les vraies cartes postales des tourniquets touristiques, une foule invraisemblable et une odeur immonde partout, mélange d’urine et d’animal mort grillé. Ici, à Diagonal, c’est un mélange de Rotterdam et de Brooklyn et c’est désert, j’adore.

Valentina et moi avons parfois les mêmes goûts inattendus, qui peuvent nous amener à sortir nos appareils photo devant le même mur craquelé.

Nous aimons aussi toutes deux beaucoup l’art contemporain.

Vraiment, on est bien, là.

Avant-hier, j’ai vu deux de mes héroïnes en concert successivement dans un auditorium, c’était à la fois parfait puisque assis et donc sans mouvements de foule et très frustrant parce que d’habitude je cours très vite (ou danse, si je suis chez moi) dans certains passages de Classic Objects, le dernier Jenny Hval, mais sur ces sièges tout confort je ne pouvais même pas dodeliner sous peine de secouer mon voisin et mon amoureuse. Ça faisait donc beaucoup de trucs dans le corps qui ne pouvaient s’exprimer, comme des orgasmes silencieux.

Valentina n’était pas avec moi quand j’ai vu Jamila Woods en concert et je m’en suis réjouie parce qu’elle n’aurait pas aimé. Un autre de nos points communs est notre rejet viscéral des guitares à riff (nous aimons les guitares qui font wall of sound, pour le dire génériquement), or le groupe dont Jamila s’était entourée sonnait comme du jazz fusion, JMJ. Malgré tout, parce que j’étais heureuse d’entendre quelques-unes de mes chansons préférées d’elle et de partager mon enthousiasme avec des inconnus aussi énervés que moi (on dansait donc sur nos sièges sans scrupules), j’étais heureuse d’y être.

Je me suis fait un jeune ami dans la rue, un ado pie. Il m’a demandé où j’avais eu mes baskets, dont il appréciait les couleurs.

Il a commencé à faire très chaud, nous avons suivi les amies d’enfance de Valentina pour un petit tour en mer.

Je me demandais ce que c’était que ces buildings moches et c’étaient des paquebots. Je les ai pris en photo parce que j’avais peine à croire au désastre écologique que j’avais sous les yeux mais je n’ai pas envie de relayer ces images ici donc vous aurez droit à une photo de nous qui m’amuse beaucoup. J’ai l’impression que Valentina me signifie, Tais-toi et pose pour la photo, et elle a l’impression de signifier à la personne qui prend la photo, Eh, tu ne vois pas qu’on est en train de parler ?

Le soir, nous sommes allées écouter Jenny Hval encore, cette fois en ville (Primavera en la Ciudad) avec son groupe Lost Girls. Le personnel de l’Apolo ne voulait pas nous laisser entrer, j’étais au bout de ma vie, aucun argument n’attendrissait ces cœurs protocolaires. Valentina passait des coups de fil cependant que, prise de panique, j’alpaguais Jenny et Håvard Volden pour leur dire, Au secours, je ne vais pas pouvoir vous écouter. Ils m’ont demandé pourquoi et je me suis tordu les bras en héroïne racinienne : Parce que nous n’avons pas de billets parce que nous pensions qu’avec nos pass artistes nous n’avions pas besoin de billets, comme partout ailleurs dans ce festival. (On devient vitre arrogant quand on a un petit passe-droit, on prend de très mauvaises habitudes.) Cependant que les coups de fil de Valentina portaient leurs fruits, de sorte que son agent est venu nous attraper par les épaules pour nous mener en courant à l’intérieur de la salle sous le regard amusé de mon idole, comme l’appelle désormais Valentina – qui a ensuite admis que ça en avait valu la peine parce qu’elle a aimé le concert (presque) autant que moi.

Un extrait.

Dire que j’aurais pu rater ça…

mes cartes postales

de Barcelone – Tu aimes les chantiers, a remarqué Valentina quand, depuis le toit de notre hôtel, je me suis concentrée sur les grues qui se détachent devant les collines boisées (collines que l’on devine habitées de sangliers pour qui rien de ce qui va nous occuper cette semaine n’existe). Oui, je suis ravie d’être dans un quartier en travaux, c’est très photogénique et très agréable pour courir puisque forcément infréquenté. J’aime aussi les reflets.

Dans le hall de l’hôtel, je descends de l’ascenseur et croise Jamila Woods. Je lui parle de Colline, mon roman jugé trop radical par les quelques éditeurs qui l’ont lu à ce jour et dont elle est l’un des personnages principaux. Quand je la quitte, je vois Jenny Hval assise dans le lobby auprès de Håvard Volden et, après un temps d’hésitation, décide d’aller lui parler du projet au sujet duquel j’avais contacté son agent l’année dernière et elle me propose de lui écrire directement. Je suis un peu étourdie par tant d’émotion pendant ma petite promenade, je n’ai pas l’habitude de croiser deux de mes héroïnes en quelques minutes – pendant qu’une troisième de mes héroïnes de longue date, devenue mon amoureuse, est en train de faire la sieste dans notre chambre.

Et puis il y a le festival. Un village en bord de mer, avec une densité de population effrayante et un nombre invraisemblable de scènes. Par chance, le bracelet VIP que me vaut mon statut de mini-bartender permet d’accéder à des espaces aérés, y compris à des arrière-mondes – car, quand on en cherche, on en trouve partout.

J’ai très vite été attirée par ceci et je m’emploie, pendant que Madame fait ses balances, à trouver le moyen d’approcher ce complexe industriel bordé de palmiers.

Quelques visions très arrière-mondaines me plaisent particulièrement.

Puis j’atteins mon but, après quelques détours.

En me dirigeant vers la scène NTS, où Valentina va jouer deux fois (une fois avec son groupe Moin et une autre en solo totalement improvisé puisque son camarade Joao a le covid), je tombe sur Weyes Blood, je n’avais pas l’intention d’aller l’écouter mais elle commence par ma chanson préférée d’elle, Everyday alors je m’assieds sur l’herbe synthétique du carré VIP désert, à l’écart de la foule écrasante qui se masse devant la scène, et je reste jusqu’au bout parce que c’est très beau, d’ailleurs Wild Time me fait pleurer.

Depuis une passerelle géante, je découvre que

Valentina a fini ses balances. Et bientôt, c’est parti.

Pendant son deuxième set, je me dis que dans ce festival essentiellement mainstream, une seule personne était susceptible de jouer un solo expérimental – et c’est ma meuf. Un bref extrait.

Ce matin, j’ai couru dans une station balnéaire désaffectée – enfin, c’est ce que mon imagination a voulu y voir, et que la météo et la faible fréquentation en cette heure matinale m’ont permis de croire.

Une vacance poétique

Dans un mois jour pour jour, j’arriverai à La Perle, la ferme de la poésie pulsée de ma chère Anna Serra. J’y rejoindrai Cédric Lerible et Marion Renauld et, chacun.e de notre côté, pendant une semaine, nous ferons de la poésie de terrain, avec restitution le week-end du 8 au 10, chacun.e accompagné.e par un.e musicien.ne. A priori, je serai surtout au parc Joly, à Semur-en-Auxois. J’aurai un vélo à disposition. Ce sera un peu comme écrire une geste permanente dans le Morvan. Je suis très heureuse de faire partie de la première édition de cette résidence à laquelle je souhaite une belle longévité.

(Visuels de Victoria Dorche.)

Un minuscule abyme

Cette nuit, j’ai rêvé que je croisais L. par hasard dans une rue et que je lui disais, Quelle coïncidence, j’ai rêvé de toi la nuit dernière.

En juin

Le 17, au retour de mon dernier atelier à Corbie pour le projet Littérature & Nature de la MéL, je serai à la librairie Le Biglemoi, à Lille Fives, en compagnie de Yannick Kujawa ; nous échangerons et alternerons les lectures de son livre sur L’ouvrier mort d’Édouard Pignon (éditions Invenit) et de mon Terrils tout partout. Ce sera à 19h.

Le 20, je serai à Paris pour le projet Littérature & Nature mais je ne sais pas encore si l’événement sera ouvert au public ; je reviens avec des détails s’il s’avère que c’est le cas.

Le 24, pour le Livrodrome, je mènerai trois ateliers différents avec des adolescents et jeunes adultes. Voir la médiathèque de Liévin pour les inscriptions.

Le 25, je serai à Guesnain (entre Douai et Lewarde) pour le salon du livre à partir de 14h.

Weird in the wild

Trop weird pour n’être qu’un / 3, ces souvenirs d’une séance de photos avec Valentina et Laila – musicienne dont j’aime beaucoup le travail et qui figure également dans mon répertoire de créatrices sonores. Nous avons pris un train pour Hampstead Heath, la lumière était plus vive que nous ne le souhaitions mais nous avons essayé d’en jouer ; les réflecteurs sont devenus des accessoires. Nous faisions des essais pour la pochette d’un album à venir que je suis l’une des deux seules personnes à avoir entendu à ce jour, s’il m’est permis de frimer un peu, et dont je pressens qu’il ne passera pas inaperçu. Voici donc trois photos qui ne nous serviront pas et qui révèlent parfaitement l’esprit de ce que nous avons essayé de faire.

Nous avons beaucoup ri, sous le regard blasé d’un renard de format saint-bernard.

Cette sacrée rotondité

Voici enfin quelques images du 5 mai, à Regnéville, où Emmanuelle Polle, Aude Rabillon et moi-même avons performé notre pièce à trois voix pour la première fois.

C’était dans la salle des fêtes de Regnéville-sur-Mer.

Ici, nous sommes entourées par les allié.e.s de rêve, Claire Crosville et Pascal Benning. C’était un bonheur de travailler et d’échanger avec eux.

Faune de Londres

Je ne sais pas si c’est le cas dans tous les quartiers de Londres mais dans le nôtre, les animaux sauvages vivent dans la ville, dans les espaces communs des ensembles résidentiels, dans les squares, dans les cours d’eau qui courent au pied des habitations. Voici quelques potes croisés lors de mes courses à pied à Islington et Hackney. D’abord, ce renard, le premier que j’aie réussi à prendre de près sans que le flou l’emporte.

Même chose pour cet écureuil ; il y en a des centaines ici mais il est rare qu’ils acceptent de poser.

Un canard mécontent : trop de lentilles d’eau à son goût.

Une famille de foulques macroules, les deux mamans et les quatre enfants (c’est un couple homoparental) menacée par un requin, scène hélas ordinaire à Hackney.

Cette foulque-ci est sortie quelque peu ébouriffée de sa rencontre avec une panthère de péniche.

Ici, les oiseaux ont des statuts spéciaux : il ne faut pas toucher les cygnes parce qu’ils sont la propriété de la reine (sic), en revanche les poules d’eau n’ont pas besoin de carte de stationnement pour leur voiture.

Je finis par cette photo que j’aime beaucoup – le cadrage et le grain répondent aux critères esthétiques vers lesquels je dérive quelque peu ces temps-ci et le modèle est une splendeur.