JC+40

Nous partons tôt de la maison, pour éviter les promeneurs du dimanche. Nous ne sommes pas venues au bord de la rivière depuis trois semaines et découvrons que la végétation est en train de tout manger, y compris l’escalier biscornu qui nous amène au bord de l’eau.

Nous surprenons un concerto de grenouilles – à moins qu’il ne s’agisse des fameux crapauds calamites qui peuplent en abondance les terrils – qui rivalise avec le conciliabule des oiseaux. Quand nous approchons de l’étang, tout le monde se tait, pas trace des batraciens, que l’on devine facétieux (je refuse de croire que nous puissions inspirer la méfiance).

Nous trouvons plusieurs cirques de poteaux dont le mystère n’est pas loin d’égaler celui des agroglyphes : was ist das ? Au fond, je n’ai pas envie de le savoir, je préfère laisser vagabonder mon imagination. Un marcheur nordique nous interpelle en pleine nature. Nous nous immobilisons comme des chats sur le qui-vive, pensant qu’il s’agit d’un policier (il est bleu marine) et j’aiguise mon regard le plus assassin. Un mètre de distance ! nous crie-t-il. (Nous nous tenons la main.) Non, je plaisante, ajoute-t-il. Je regrette de ne pas avoir fait semblant de rire quand l’idée me vient, qu’il pourrait nous dénoncer.

Le bonheur, qu’est-ce sinon marcher avec l’amour de sa vie sur un petit chemin au bord de la Souchez ?  Un moment, j’oublie que la fin du confinement approche, qui verra ce trésor regagner sa vie parisienne ; je savoure le fallacieux mais exquis sentiment d’éternité qui ramollit les zones les plus sombres de mon âme et les transforme en pur miel.

Au bord de la véloroute quasi déserte, cette maison à laquelle je trouve un petit côté western.