JC+43

Aujourd’hui, mes jambes sont boursouflées par les morsures d’araignées. Je prends mon texte en cours et je le plie et je le casse pour voir si ça produit de la lumière. Il ne pleut pas au moment où je cours, on pourrait prendre ça pour une grâce accordée par le ciel mais j’aime courir sous la pluie, à la belle saison, et aujourd’hui je m’agace d’avoir trop chaud. Danny court avec moi, nous sommes des animaux d’habitudes. J’ai l’impression que nous nous connaissons bien, maintenant, et j’oublie presque que cet ami est un âne. J’écoute Jarboe blues, Jarboe metal, Jarboe  expérimentale (Jarboe a grandi à la Nouvelle-Orléans, ses deux parents étaient des agents du FBI et elle a assisté, enfant, à des cérémonies religieuses incluant des manipulations de serpents), je la mets seulement sur pause le temps de traverser le terril du psychopathe – je veux garder mes sens en alerte. Je passe toute cette traversée à chercher des angles de fuite au cas où je serais confrontée à ce que j’imagine sous forme d’une silhouette massive, haute et carrée, hirsute, avec une hache ou un bidon d’essence à la main.

Je suis dans le mauvais film. Ma meilleure amie étudie les pandémies. Ce soir, en vidéo, elle nous expose diverses conclusions possibles. Je n’ai pas suivi les infos depuis plus de trois semaines maintenant et tout ce que j’apprends est de seconde main, parfois interprété par des cerveaux hyperactifs, de sorte que pour moi, désormais, le coronavirus est une création humaine échappée d’un labo P4 à Wuhan, où travaille le mari de l’ancienne ministre française de la santé. Je me demande si c’est une donnée largement répandue et considérée comme fiable et indiscutable ou si, à supposer que j’aie l’envie + la possibilité de me trouver en société, on me dirait conspirationniste. Ça m’est égal de toute façon.

Jarboe avec Helen Money, Hello Mr Blue